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proposèrent de créer, à côté des universités, des « convicts », sortes de séminaires où les étudians en théologie seraient abrités ; — on les y inviterait, sans doute, à brûler ce que les professeurs leur faisaient adorer, à adorer ce qu’ils leur faisaient brûler ; — et l’on projeta, en second lieu, d’installer dans les universités, aux frais des groupes orthodoxes, des pasteurs qui donneraient de saines et pures leçons, — le bon grain à côté de l’ivraie. Pour ce double objectif, l’« Union rhénane westphalienne des amis du symbole » a cette année même ouvert une souscription ; avec les premiers fonds recueillis, un « convict » s’est établi à Bonn. On s’est demandé, aussi, si les futurs pasteurs, après leur séjour universitaire, ne pourraient pas être astreints à une année de séminaire, et si on ne devrait pas les examiner soigneusement, avant leur entrée dans le ministère, sur leurs croyances au sujet du Christ, de l’Église et du symbole. L’essentiel, surtout, serait que l’Eglise eût une influence plus immédiate, plus décisive, sur le choix des professeurs d’université, et que l’Etat, protecteur de la libre science, cessât de régir, presque à lui seul, les nominations aux facultés de théologie. M. Stoecker, au cours de l’année 1895, écrivit sur cet ensemble de questions une série d’articles ; on l’y sentit moins agressif que de coutume, peut-être un peu découragé ; il paraissait croire qu’aussi longtemps que les Eglises seraient asservies à l’État, le mal demeurerait vivace.

Mais c’est de l’État, seulement, qu’on pouvait obtenir des palliatifs provisoires ; et l’Etat les accorda. A la fin de 1895, il installa, dans les facultés de Bonn et de Marbourg, deux professeurs orthodoxes ; tout de suite on les affubla d’un vilain nom, à peu près intraduisible : Strafprofessoren (des professeurs de châtiment), pour marquer que leur choix était un avertissement à ces deux facultés incroyantes ; et M. Bosse, le ministre des cultes, recueillit de cette histoire un double ennui, d’être interpellé à la chambre prussienne en mars dernier, et d’être fortement critiqué pour la maladresse de sa réponse. Ainsi, contre les audaces de la théologie nouvelle, l’Etat ne peut lutter sans ridicule, et les orthodoxes, impuissans mais tenaces, prolongent inutilement les plaintes dont en 1893 ils faisaient retentir la conférence d’août : « La conscience des étudians est fourvoyée par de nombreux professeurs, et les doctrines qu’on leur fait absorber les rendent impropres au ministère ecclésiastique. »


« Qu’est-ce que la vérité ? » Cette insoluble question qui, loin d’être une conclusion, remet en doute l’ensemble des conclusions antérieures, nous est apparue, dans un précédent article, comme