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le symbole, avaient finalement cédé. Sous le titre : Science théologique et ministère pastoral, M. le professeur Gottschick, de Tubingue, destina bientôt à ses amis incroyans un curieux opuscule, dans lequel il expliquait que la liturgie, avec son caractère mécanique, impersonnel, est un assez insignifiant office du ministère pastoral, et que la prédication, c’est-à-dire une fonction sur laquelle l’« Agende » n’avait aucune prise, demeure l’essentiel. Il importait peu, dès lors, que le symbole subsistât dans l’ « Agende » ; et grâce à l’effervescence scientifique qu’avaient provoquée ces longs débats, dans le monde des étudians, des candidats en théologie, des jeunes pasteurs, les nouveautés dogmatiques — ou plutôt antidogmatiques — avaient affermi leur règne. Si pour quelque temps encore, en matière de liturgie, les orthodoxes demeuraient les arbitres d’une littéralité réputée d’ailleurs insignifiante, c’est au camp de leurs adversaires que soufflait l’esprit. Et les orthodoxes, enfin, avaient bien pu maintenir, pour les jeunes pasteurs, l’obligation, souvent douloureuse, de certaines feintes liturgiques ; mais une très fine observation de M. le pasteur Rade leur aurait pu révéler la médiocre portée de leur victoire : « Nous avons dû sacrifier quelques positions au synode général, écrivait-il le 29 novembre 1894. Il fallait éviter que les orthodoxes, dont le courage grandissait, n’accrussent leurs ambitions. Il y avait encore, à l’ordre du jour du synode, quelques points critiques : la question des professeurs, par exemple. On a fait un sacrifice, d’un côté, pour n’être point tracassé d’un autre. Ces questions critiques n’ont point été abordées. »


V

En deux mots, la « question des professeurs », qui seule vraiment est vitale, peut être ainsi définie : avant d’être l’esclave d’une liturgie et le subordonné d’un consistoire, le pasteur allemand est l’élève d’une université : c’est à des professeurs d’université qu’il apporte les primeurs de son intelligence, et c’est en eux qu’il se confie pour l’élaboration de sa foi. Sa conscience est en général moins personnelle, moins originale, moins autodidacte, que ne permettraient de l’espérer les principes de la Réforme ; elle est livrée, suivant la piquante expression de M. le pasteur Glage, à des « papes d’université » ; c’est, si l’on ose dire, une conscience disciple, fascinée, façonnée par quelques maîtres de théologie, d’exégèse et d’histoire ecclésiastique. Or, on a bientôt compté les facultés de théologie où ces maîtres sont unanimement croyans : Rostock, Greifswald, Erlangen, en ajoutant