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posaient la question. Le professeur Cremer, de Greifswald, la définissait d’une tout autre façon : « Il s’agit de savoir, expliquait-il, s’il appartient à la recherche historique de prononcer le mot décisif sur le Christ, et si, du symbole, il faut effacer les articles qui ne sont point le résultat de la recherche historique » ; croyant fervent, il répondait négativement. Mais M. Harnack objectait que, de la critique historique, tous les faits évangéliques relèvent, même le « miracle physiologique » de la naissance surnaturelle de Jésus. Et le public s’apercevait sans peine qu’aux yeux de M. Cremer, Jésus était un Dieu devenu homme ; qu’aux yeux de M. Harnack, Jésus n’était qu’un homme, élevé par son baptême, à l’âge de 30 ans, jusqu’à la dignité divine ; et qu’il faudrait quasiment un tour de force pour réconcilier en un symbole commun ces deux professeurs, qui formaient des pasteurs pour la même Église. Entre les diverses tendances, la chaleur menaçante des polémiques élargissait le fossé : de part et d’autre, on annonçait que l’Église ne survivrait point à la victoire de l’école adverse. « Les pères de notre Eglise, disait l’organe du pasteur Stoecker, avaient la conviction que leurs professions de foi étaient conformes à la Bible, c’est-à-dire à la parole révélée de Dieu. Nous sommes absolument du même avis. Sans cette conviction, l’Eglise évangélique se disloque ; elle devient une sorte de casino, avec cette différence qu’un casino a des règlemens, et que l’Église n’en a point. » — « Il n’est pas besoin du don de prophétie, ripostait en ses pétitions la libérale « Association protestante », pour prévoir que, si l’œuvre de la réforme de l’ « Agende » se terminait au gré des orthodoxes intransigeans, l’Église en serait ébranlée dans ses fondemens. »

Parmi ces sonneries de glas et ces disputes, la commission de l’ « Agende » travaillait ; elle soumit aux synodes provinciaux, en juillet 1893, un premier projet, qui fut vivement discuté. Avec une joie mal dissimulée, les écoles « incroyantes » saluèrent l’absence du symbole dans le nouveau rituel de l’ordination ; et l’orthodoxie inquiète en fit réclamer le rétablissement par la majorité des synodes provinciaux, où elle est encore maîtresse : à cette objection, que le symbole, avant 1829, n’avait aucune place dans la cérémonie de l’ordination, elle riposta qu’avant cette date on s’enquérait, par un sérieux examen, de la correction doctrinale des futurs pasteurs. Il y avait je ne sais quoi d’insolent dans la vigilance des orthodoxes ; ils épiaient, avec une provocante âpreté, tous les détails derrière lesquels se pouvait retrancher l’incrédulité ; ils épluchaient les « formulaires parallèles », c’est-à-dire les diverses séries de variantes entre lesquelles, pour les