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symbole ; et contrairement à ma promesse, j’ai énoncé des opinions qui divergeaient de la doctrine évangélique. » On eût préféré, à Stuttgart, que M. Schrempf appréciât avec moins de minutie l’esprit et la portée de ses sermens d’ordinand, et qu’au pied de l’autel il marquât à la liturgie une obéissance plus littérale, s’arrangeant avec sa conscience comme il le voudrait, ou comme il le pourrait. Le 14 juin 1892, il dut quitter le service pastoral, et malgré la ferveur orthodoxe de beaucoup de prêtres wurtembergeois, la noblesse de sa conduite inspirait un tel respect que la décision du consistoire fut l’objet d’une générale défaveur.

Son exemple fut contagieux : M. Lisco, pasteur en Prusse, M. Stendel, pasteur en Wurtemberg, signifièrent qu’ils refusaient à l’avenir l’usage du symbole ; leur déposition suivit. Lorsque Schleiennacher, en 1829, informa son consistoire qu’il emploierait les formules liturgiques comme bon lui semblerait, on toléra l’incartade ; mais il est des exceptions qu’on ne peut étendre. Et puis, aux yeux des autorités religieuses, le vrai crime de MM. Schrempf, Lisco, Stendel, était moins d’avoir violé les rites que de s’en être targués. M. de Schmid, prédicateur à la cour de Stuttgart, voulut un jour convaincre M. Stendel qu’on peut accepter et suivre toute la liturgie ; au hasard, pour en donner les preuves, il saisit un vieux livre d’église qui avait appartenu à l’ancien prédicateur, M. de Gerok : quel ne fut point son embarras on constatant, sous les regards victorieux de M. Stendel, que M. de Gerok, tout le premier, avait, au crayon bleu, pour son usage, corrigé plus d’un passage ! Mais le défunt prédicateur n’avait point avoué ces actes de désinvolture, tandis que M. Schrempf, M. Stendel, M. Lisco, furent punis, suivant la brutale expression du dernier, pour « n’avoir pas voulu devenir menteurs ».

Ces partis pris de loyauté sont fort gênans pour les chefs de l’Eglise. Entre eux et les pasteurs rebelles, on observe d’étranges divergences dans la façon même de définir les litiges. « Nous nions tel et tel article du symbole ; faites-nous un procès pour erreur doctrinale (Irrlehre) », réclamaient M. Schrempf et M. Lisco. A l’aide d’un tel procès, ils espéraient atteindre le fond même du débat. Le principe de l’absolue liberté d’examen permet-il cette harmonie nécessaire à la vitalité d’une Église ? Si chacun pense à son gré, l’Eglise peut-elle faire figure ? Primordialement, lequel de ces deux faits est le plus essentiel au protestantisme, l’existence d’une Église ou l’autonomie effrénée de toutes les consciences ? Prudemment, les autorités religieuses déclinèrent ces discussions : de son indocilité, M. Schrempf voulait qu’on examinât l’esprit ;