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point une importance essentielle. On nous dit que les prédicateurs doivent avoir pour mission, non point d’annoncer les actes de Dieu pour notre rédemption, comme les célèbre la chrétienté dans ses grandes fêtes, mais bien plutôt d’annoncer leurs propres pensées religieuses (Glaubensgedanken), que par-là ils servent aussi bien les membres de la communauté chrétienne qui conservent une fidélité coutumière au symbole, que ceux qui, par l’histoire même de leur vie spirituelle, résultant de l’action divine, ont été arrachés à cette accoutumance ; et qu’il devient donc tout à fait indifférent de savoir auquel des deux groupes le pasteur lui-même appartient… Nous ne pouvons point acquiescer à ces conseils, par lesquels on donnerait accès à une doctrine nouvelle… Que dirait Luther à des prédicateurs qui songeraient à remplir leur office avec une telle théorie d’équivoque ? Au lieu de réclamer des candidats qu’ils fassent preuve de leur aptitude à traiter le symbole d’une pareille façon, nous devons plutôt dénoncer, comme une dangereuse tentation, ces conseils qu’on insinue à nos ecclésiastiques ; d’admettre à une fonction un homme qui aurait de pareilles pensées, nous n’en prendrions pas la responsabilité, tant pour sa propre conscience que pour celle de la communauté. Il n’échapperait point à la tentation de jouer un double jeu, et de professer de bouche des enseignemens qu’il ne pourrait justifier aux yeux de sa conscience que par des réserves mentales. La communauté aurait toujours à craindre d’être trompée sur l’objet de sa foi… Celui qui ne peut plus à Noël, au Vendredi-Saint, à Pâques, à l’Ascension, à la Pentecôte, célébrer avec nos communautés les grands actes de Dieu pour notre salut, celui-là doit loyalement s’abstenir de rechercher, dans nos églises, une fonction ecclésiastique…


Il paraîtrait qu’en effet, parmi les fidèles, la confiance s’en va. « Croyez-vous à ce que vous me dites ? » demande un malade au pasteur assis près de son chevet ; et sous la grossière accusation de duplicité, exploitée par les publicistes des sectes indépendantes, comme M. Carl Scholl, et par les journaux socialistes, chancelle le crédit du clergé tout entier. Ce sont surtout les maîtres d’école, ses auxiliaires officiels pour le catéchisme, qui dessillent les yeux. Longtemps ils réclamèrent une édition scolaire de la Bible ; on leur ajourna cette satisfaction, parce qu’on craignait de s’entendre malaisément, entre orthodoxes et libéraux, sur le choix des fragmens bibliques. De crainte que les incroyans ne voulussent expulser les récits miraculeux, certains croyans voulaient donner à l’enfance la Bible intégrale : « Tout est pur pour les purs », observaient-ils. Finalement, pour rédiger à Brème un livre de lectures bibliques qui ne pût encourir la suspicion d’aucune fraction théologique, onze théologiens et vingt-neuf pédagogues, d’opinions et de tendances diverses, collaborèrent. Que, surpris de tous ces manèges, les instituteurs prêtent l’oreille ; qu’ils entendent dire qu’on dédaigne et qu’on réfute, à l’université, les vieux dogmes qu’ils ont mission d’enseigner aux enfans ; alors, écrit M. le pasteur Seydel, de Berlin, « ils se croient dupés,