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à la sécurité militaire du pays : les trois cinquièmes, notamment, ont été consacrés à la construction des chemins de fer, et la recette nette de ceux-ci fournissait, en 1892-93, 90 des 209 millions d’arrérages que les gouvernemens avaient à payer. D’autre part, la baisse générale de l’intérêt a aidé à la hausse des fonds australiens, et si on compare leurs cours à ceux des Consolidés anglais, on voit qu’ils sont relativement plutôt moins élevés qu’en 1889. Néanmoins le chiffre des dettes australiennes est colossal, et il est à craindre que les gouvernans de ces pays, tentés par le bas taux de l’intérêt, ne recommencent à emprunter, comme l’ont déjà fait la Nouvelle-Galles du Sud et la Nouvelle-Zélande. Les impôts sont très lourds en Australie et peu susceptibles d’être augmentés sans inconvéniens ; tous les grands travaux publics vraiment utiles sont faits dans la plupart des colonies, et les fonds qu’elles cherchent à se procurer risquent d’être employés à des expériences sociales plus ou moins aventureuses. L’ensemble de cette situation semble justifier à peine le taux actuel de leur crédit.

Si les capitalistes ont vite repris confiance dans l’Australie, il n’en a pas été de même des immigrans. Ceux-ci étaient arrivés en très grandes quantités jusqu’à ces dernières années. De 1881 à 1890, l’Australie avait encore gagné 386 000 habitans par l’excédent de l’immigration sur l’émigration. C’étaient presque exclusivement la Nouvelle-Galles, Victoria et le Queensland qui avaient profité de ce mouvement : les parts respectives de ces trois colonies étaient de 164 000, de 112 000 et de 101 000. Au contraire, l’Australie du Sud avait perdu 17 100 habitans, la Tasmanie et la Nouvelle-Zélande étaient restées presque stationnaires. En 1891, les arrivées en Australasie dépassèrent encore les départs de 39 000 dont 20 000 en Nouvelle-Galles ; mais en 1892, cet excédent tomba brusquement à 6 930 et resta à peu près stationnaire à 8 224 l’année suivante. Comme les statistiques des départs sont toujours, d’après les documens officiels eux-mêmes, défectueuses et les chiffres donnés inférieurs à la vérité, il a dû y avoir perte sèche pour ces deux années. Cette perte est officiellement constatée pour Victoria (12 000 départs de plus que d’arrivées en 1892, et 13 000 en 1894) ; mais la Nouvelle-Zélande était en notable progrès, gagnant 10 000 âmes en 1893, parce qu’elle échappait à la crise et recevait beaucoup d’Australiens. L’Australie de l’Ouest, où l’on venait de découvrir des mines d’or, gagnait de même 5 000 habitans. C’est elle seule qui maintient aujourd’hui un courant d’immigration vers l’Australasie : depuis trois ans, en effet, le mouvement n’a guère repris : dans le premier semestre de 1896, 5 000 personnes seulement ont quitté le Royaume-Uni pour se