Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 137.djvu/445

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le Queensland et la Nouvelle-Galles du Sud ; la première de ces colonies paraît aujourd’hui la plus sagement gouvernée de l’Australie ; la seconde possède une assez grande variété de ressources ; ses mines de charbon peuvent permettre à l’industrie de s’y développer avec plus de spontanéité que dans ses voisines ; elle a moins versé dans le protectionnisme ; elle s’en dégage tout à fait aujourd’hui, et le magnifique port de Sydney ne peut manquer de voir son trafic s’accroître sous un régime libéral. Les recettes des chemins de fer, les recettes budgétaires également, indiquaient en 1895 un progrès sur l’année précédente. Aussi envisage-t-on à Sydney l’avenir avec assez de confiance et pense-t-on avoir franchi le point le plus bas de la dépression. On n’en pouvait dire encore autant à Victoria et dans l’Australie du Sud ; aujourd’hui même, il semble que la situation, sans y avoir empiré depuis un ou deux ans, soit stagnante. La hausse des prix de la laine, qui a eu lieu depuis un an, lors même qu’elle ne serait que momentanée, doit cependant exercer une influence très favorable en Australie, et pourrait permettre aux squatters endettés de commencer du moins à se libérer vis-à-vis de leurs créanciers, ce qui affermirait quelque peu la position des banques reconstruites.

Celle-ci est actuellement assez difficile et constitue une menace pour l’avenir. Les banques se sont engagées à servir aux dépôts, dont elles ont différé le paiement, un intérêt de 4 1/2 0/0, alors qu’aujourd’hui leurs concurrentes qui ont résisté à la crise se procurent très facilement de l’argent à 3 0/0 ; c’est là une grave cause d’infériorité pour les premières. Dès le moment où furent conclus les arrangemens, quelques personnes manifestèrent la crainte qu’un intérêt aussi élevé ne fût une charge trop lourde pour les institutions réorganisées ; ces prévisions n’ont été que trop vérifiées : l’une des banques s’est vue forcée d’offrir à ses créanciers le choix entre une liquidation désastreuse et une réduction d’intérêt à 2 1/2 0/0 qu’ils ont acceptée. Une autre a été moins heureuse, les nouveaux arrangemens qu’elle offrait étaient trop défavorables ; elle a dû fermer ses portes définitivement, et sa liquidation a permis de voir que, trop souvent, ce n’était pas seulement par imprudence qu’avaient péché les administrateurs de ces sociétés incapables de tenir leurs engagemens. On n’attend pas sans anxiété les échéances de 1898, 1899 et 1900. Dans chacune de ces trois années, 275 à 300 millions de francs de bons de dépôts viennent à expiration, et si les porteurs venaient retirer leurs fonds en masse, les banques n’y résisteraient certainement pas. Mais elles espèrent que l’état général de l’Australie sera assez amélioré alors pour que la confiance soit revenue, et que