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dernières années a réduit de 60 à 52 millions de têtes le troupeau de la Nouvelle-Galles. Il est cependant certain que le Queensland et même Victoria et l’Australie du Sud sont susceptibles d’augmenter considérablement leur cheptel, et la première de ces colonies pourra sans doute le doubler. L’énorme Australie de l’Ouest, malgré les déserts qui en couvrent la plus grande partie, devra offrir aussi quelques régions propres à l’élevage.


II

La laine a été longtemps le seul produit d’exportation que les colonies australiennes aient tiré de leurs troupeaux. Le voyage sur mer était trop long entre elles et les grands marchés d’Europe pour permettre d’y expédier du bétail sur pied. La fabrication du suif et de quelques viandes salées, dont le débouché était forcément restreint, n’ajoutait que bien peu de chose aux bénéfices que procurait aux éleveurs la vente de la laine. Depuis quelques années, l’exportation des viandes gelées a ouvert au contraire des horizons tout nouveaux et singulièrement vastes à l’industrie pastorale.

La révolution économique produite par les applications du froid, dont nous ne voyons encore que les débuts, promet de rivaliser d’importance avec celle qu’a amenée, il y a un demi-siècle, l’établissement des moyens de transport à grande vitesse-et à grande capacité. Les chemins de fer et les bateaux à vapeur ont permis aux grains, aux textiles, aux minéraux, à toutes les denrées de conservation facile de venir des pays les plus éloignés lutter sur les grands marchés, dans les grands centres de consommation et d’industrie du vieux monde, avec les denrées similaires produites dans le voisinage. Mais les viandes, les fruits, le beurre, toute cette catégorie si importante des produits alimentaires autres que les grains, incapables de se conserver plus de quelques jours, n’avaient pu profiter du perfectionnement des transports. L’application industrielle du froid a étendu perishable goods, aux « denrées périssables », les bienfaits que celle de la vapeur avait procurés aux autres : grâce à elle, les viandes, les beurres, le fromage, les fruits, le miel, les œufs même peuvent supporter un voyage en mer de plus de quarante jours et arriver en parfait état de conservation d’Australie et de Nouvelle-Zélande dans les ports du Royaume-Uni.

Les premiers essais de transport des viandes congelées remontent à près de trente ans en arrière, au voyage du navire le Frigorifique de Bordeaux à la Plata. Comme pour tant d’autres