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les frais n’ont pas été moindres de 900 francs par kilomètre ; une autre barrière du gouvernement a 480 kilomètres, et il faut y ajouter 22 000 kilomètres environ posés par les particuliers pour la défense de leurs propriétés. Dans le Queensland, les rabbits boards, conseils spéciaux chargés de veiller à la protection des pâturages contre les lupins, ont entrepris la construction de plusieurs énormes lignes de grillages parallèles à la frontière de cette colonie et de la Nouvelle-Galles, d’une longueur totale de 3 400 kilomètres. L’ingéniosité des colons a su cependant faire sortir quelque bien de ce fléau, et aujourd’hui des envois considérables de lapins congelés sont faits en Angleterre, où ils se vendent 1 franc à 1 fr. 25 pièce sur le marché de Londres. C’est une faible compensation aux ruines qu’ils causent.

La colonisation pastorale pénètre dès aujourd’hui fort avant dans le centre de l’Australie. Grâce à elle, 64 des 80 millions d’hectares de la Nouvelle-Galles sont occupés déjà par des Européens, 60 millions d’hectares sont entourés de clôtures ; mais 18 millions seulement sont possédés par leurs occupans ; le reste est loué par l’Etat aux squatters. La location, si le bail est suffisamment prolongé, n’a pas les mêmes inconvéniens pour la pâture que pour l’agriculture, et la prédominance de ce mode de tenure accompagne partout en Australie la prédominance de l’élevage sur les autres industries agricoles : dans le Queensland, 112 millions d’hectares sont affermés par l’Etat, 4 millions seulement appartiennent en toute propriété à des particuliers, 52 millions sont encore inoccupés. Dans l’Australie du Sud, les proportions sont analogues ; mais Victoria compte 10 millions d’hectares appartenant à leurs occupans contre 6 millions affermés et 6 millions et demi inoccupés, et en Nouvelle-Zélande les chiffres correspondans sont 8, 6 et 13 millions d’hectares. On voit que, si l’on tient compte des montagnes et des parties stériles, il reste moins de terres libres en Australie, du moins dans les colonies de l’est, qu’on ne serait porté à le croire d’après le peu de densité de la population. C’est que, dans le bassin du Murray, le grand centre actuel de l’élevage, on considère une propriété pouvant porter 1 mouton par 2 acres, soit 80 ares, comme étant d’une bonne moyenne ; en Nouvelle-Zélande, il est vrai, où le climat est plus-humide, on voit quinze ou vingt bêtes par hectare ; mais dans-mainte propriété de l’Australie du Sud ou de l’extrême Ouest de la Nouvelle-Galles, il faut jusqu’à deux ou trois hectares pour en nourrir une. Lorsqu’on dépasse ce nombre, les troupeaux sont décimés s’il survient une grande sécheresse, et ce phénomène se produit presque périodiquement en Australie : celle des trois