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L’or a joué le rôle d’un stimulant énergique dans le développement de l’Australie, mais les bienfaits de sa découverte n’ont pas été sans mélange, car l’état d’équilibre instable de la société coloniale et l’importance excessive des agglomérations urbaines en ont été les résultats. Si l’exploitation des mines et des placers a fait oublier pendant quelques années les ressources plus essentielles et plus durables du pays, celles-ci n’ont pas tardé à reprendre le premier rang ; aujourd’hui, comme avant la découverte des gisemens aurifères, c’est la production de la laine qui est le fondement de la prospérité économique des colonies australiennes et, longtemps encore, sinon toujours, l’élevage des troupeaux, des moutons surtout, restera au premier rang de leurs industries.

La prépondérance du pâturage sur l’agriculture, du squatter sur le farmer, est la conséquence directe de la nature du sol et du climat. Une bande de terre qui suit le rivage de la mer, large de 100 kilomètres en moyenne le long de la côte orientale, d’un peu plus dans Victoria, d’un peu moins dans l’Australie du Sud, existant à peine ailleurs, voilà tout ce qui est propre à la culture dans ce pays. Dès que l’on a dépassé les chaînes plus ou moins élevées qui limitent cette zone, on se trouve, si l’on est parti de la côte occidentale, dans cet étrange désert couvert d’arbres, mais absolument stérile, où sont semés les nouveaux champs d’or de l’Australie de l’Ouest. Si l’on vient au contraire de l’est ou du sud-est, ce sont d’immenses steppes où les affluens du Murray, profondément encaissés entre des berges de sable jaune plus élevées que les plaines voisines, promènent leur maigre cours en interminables sinuosités. Les principales de ces rivières, le Murrumbidgee, le Lachlan, le Darling, ont de l’eau toute l’année, sont même navigables pendant quelques mois ; mais combien de leurs affluens ne sont que des oueds, au fond desquels pendant l’été on ne trouve que quelques mares ! Le débit total du Murray à son embouchure n’atteint pas celui de la Seine, et l’étendue qu’il draine est double de celle de la France. En temps de crue, ces rivières débordent au contraire et se déversent de place en place dans des dépressions plus basses que le niveau moyen des plaines, qui sont alors transformées en lacs. Dans cette moitié orientale du continent, les grandes forêts d’eucalyptus ne couvrent que la région maritime et les lianes des chaînes côtières ; vers l’intérieur, le pays accidenté qui se trouve au pied des montagnes est encore parsemé de bouquets d’arbres : les vallées du Murray et du Murrumbidgee, au point où les coupe le chemin de fer de Melbourne à Sydney, avaient, lorsque je les vis au