Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 137.djvu/381

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui leur manque. Un rapport lu en 1895 à la Chambre de commerce de Londres expose qu’à Bucharest la légation allemande possède des attachés commerciaux à la piste de toutes les affaires, qu’ils signalent en détail aux maisons allemandes.

Pour toutes les raisons qu’on vient de voir, et encore pour plusieurs autres que l’on trouvera dans son livre, M. Williams se croit autorisé à clore ses lamentations de Jérémie par cette conclusion (c’est lui qui souligne) : « L’Angleterre a perdu sa position unique de maîtresse incontestée du monde industriel, et il n’y a pas apparence qu’elle la reprenne. » L’arrêt est dur. Pour toute fiche de consolation, le prophète de malheur ajoute : — « On peut encore lui rendre quelques bribes de la gloire perdue. Et voyons du moins à ce que les choses n’aillent pas encore plus mal. » Il s’attendait à être lapidé ; il l’a été. On en est venu aux gros mots : on l’a traité de protectionniste, et je dois dire qu’il ne s’en est pas défendu. Mais les injures ne sont pas des raisons, et je ne sache pas que M. Williams, au moment où j’écris, ait été réfuté sérieusement, pièces en main. Lord Rosebery a accepté ses chiffres et admis ses pronostics dans un discours auquel il a déjà été fait allusion et auquel il est temps de revenir.

C’était à Epsom, le 24 juillet dernier. Lord Rosebery vint à parler de la concurrence étrangère. « Quand même nous n’y serions pas exposés, dit-il, puisque l’ancien système d’apprentissage s’en va, il faut de toute nécessité que nos petites villes — et nos grandes villes, cela va sans dire — aient un moyen quelconque de former de bons ouvriers, et d’assurer aux artisans le capital que représente pour un homme l’habileté dans un métier. Mais nous ne sommes pas libres de concurrence, en ce moment. Nos consuls et nos divers fonctionnaires du Board of Trade n’ont pas cessé depuis des années d’appeler l’attention de la communauté sur ce fait que nous ne sommes plus comme autrefois les maîtres incontestés de l’empire du commerce, et que nous sommes menacés par un rival au moins, des plus formidables, qui gagne sur nous comme la mer sur les parties faibles de la côte, ainsi que M. Aston pourrait vous le dire d’après son expérience de la Cité, — je veux parler de l’Allemagne. Il a paru dernièrement un petit livre, Fait en Allemagne, sur lequel je crois devoir appeler votre attention. »

Suivait une analyse de la thèse de M. Williams, avec chiffres à l’appui, et l’orateur poursuivait : « A mon sens, ce sont là des faits graves et frappans. Peut-être n’est-ce pas ici le lieu de s’enquérir des causes en ce qui concerne la Grande-Bretagne,