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ont fait, sans interruption, grand honneur à ceux qui les dirigent. Libri, cinq ans après le début, juge sévèrement cette entreprise dont, contrairement à ses prévisions, le succès a été complet.


Comme si tout cela, dit-il, n’était pas assez, on finit par obtenir de l’Académie la permission d’imprimer officiellement les comptes rendus de ses séances, et ce journal, qui a reçu depuis un prodigieux accroissement, est devenu une espèce de feuilles d’insertions gratuites où, parmi beaucoup de choses intéressantes, se trouvent parfois des annonces qui ne sont pas dignes de paraître sous le patronage de l’Institut.


Le reproche est injurieux et injuste. Dès le premier jour, on a aperçu et écarté le danger. La tradition est solidement établie, et les plus avides de réclames ont depuis longtemps renoncé à en obtenir de l’Académie des sciences. Les secrétaires perpétuels, soigneux de les écarter, ont très rarement l’occasion d’exercer une sévérité qui reste absolue. Tout n’est pas à louer dans nos cent vingt volumes, mais Libri semble craindre que tout y devienne à blâmer.


Cette facilité de publication, dit-il, a donné une extension inattendue à la correspondance, qui occupe, souvent sans beaucoup d’intérêt, la moitié des séances académiques, et elle sert merveilleusement à augmenter l’influence des personnes qui sont chargées de rédiger ce recueil périodique et de choisir à leur gré les matériaux qui doivent le composer.


Le devoir de choisir les travaux insérés au Compte rendu n’a jamais procuré aux secrétaires perpétuels de l’Académie des sciences que le regret, étant trop indulgens, de se voir accuser d’être trop sévères. Notre complaisance, c’est là qu’est le mal, dépasse la limite raisonnable ; tout le monde le sait, mais le remède est encore à trouver. Pour l’admission dans ce recueil, qui plus qu’aucun autre prépare et entretient les réputations scientifiques, la présentation de l’un des membres de l’Académie supprime tout examen ; c’est un usage. Les aspirans aux honneurs du Compte rendu savent, parmi tant de portes, trouver les plus faciles à ouvrir ; celles-là ne sont jamais fermées. Un des savans les plus illustres de notre époque, — je puis le nommer sans faire tort à sa mémoire respectée et aimée, c’est Henri Sainte-Claire Deville, — m’apporte un jour une note pour le Compte rendu. Elle est bonne ! me dit-il, — c’est le mot de passe, — puis il parle de tout autre chose. Pendant la séance, craignant une confusion ou un oubli, je lui demande quel est le sujet de la note qu’il recommande ; il réfléchit un instant, puis laissant éclater le rire si franc et si gai qu’on aimait tant en lui : « Mon ami, me dit-il, je n’en sais rien. » Si, comme cela était peut-être mon devoir, j’avais