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A la Restauration, quelques membres de la classe de langue et de littérature française, se rappelant qu’ils étaient les héritiers légitimes de Messieurs les Quarante, réclamèrent les entrées au château dont jouissaient leurs prédécesseurs, et voulurent se séparer de leurs confrères trop bourgeois.


La chapelle des Tuileries, où l’on pouvait entendre la messe et saluer la famille royale, était ouverte tous les dimanches aux membres de l’Institut, sans distinction de classe, et l’accusation d’y oublier un livre marqué à son nom était une plaisanterie courante des journaux satiriques adressée aux académiciens de toutes les classes qu’ils voulaient signaler comme courtisans et flétrir comme hypocrites.

Une connaissance imparfaite de la langue française ne suffirait pas pour expliquer les lignes suivantes :


L’attitude de l’Académie française, les tentatives criminelles d’un gouvernement qui, redoutant partout le principe d’élection, voulait diriger les choix de l’Institut et refusait même quelquefois de sanctionner les élections qui lui déplaisaient, obligèrent l’Académie des sciences, un peu délaissée par ses sœurs, à chercher une défense dans ses propres forces, dans la conscience de son utilité, dans la faveur dont elle jouissait auprès du public, et dans tous les moyens que lui offrait alors le mouvement libéral qui s’opérait parmi nous. Le plus puissant de ces moyens, ce fut la publicité.


L’Académie des sciences, obligée de se défendre par la publicité contre les tentatives criminelles du gouvernement, est une appréciation injuste et fausse.

Le gouvernement, égaré en 1816 par une fureur anti-révolutionnaire et anti-bonapartiste, avait écarté de l’Institut deux de ses membres les plus illustres, Monge et Carnot ; à la même époque, sous l’influence des mêmes passions, il refusa de ratifier l’élection de Fourier, élevé à la dignité de comte pendant les Cent Jours. Dès l’année suivante, l’élection unanime de Fourier faite de nouveau par l’Académie était acceptée sans difficulté. En dehors de ces décisions maladroites des premiers jours, on ne rencontre dans nos archives, de 1816 à 1830, aucune tentative contre nos libertés et nos droits. La recommandation d’un ministre du Roy n’était pas rare dans les élections ; on a même cité des menaces, quelques-unes suivies d’effet ; mais de telles interventions excitaient l’indignation et diminuaient les chances du candidat trop indiscrètement protégé.

On peut rappeler l’exemple de Binet. Très favorisé par l’évêque d’Hermopolis, et vivement recommandé par le ministre de l’Intérieur, il a échoué sous la Restauration, et à plusieurs reprises, dans chacune des sections de géométrie et de mécanique, pour être élu enfin en 1843, en dehors de toute influence politique