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élues par les contribuables et investies de pouvoirs étendus. Le nombre total des conseils est de 2 452. Ils entretiennent 5 316 écoles avec un personnel de 1 894 000 enfans. On voit que le nombre des enfans est à peu près égal dans les écoles libres et dans les écoles officielles. La différence entre les unes et les autres est que, dans les dernières, bien qu’on y lise la Bible, il n’est donné aucun enseignement religieux se rattachant à une confession déterminée. Les libéraux tiennent passionnément au maintien de cette situation : le bill du gouvernement y portait atteinte. Il suffisait que les pères de famille, en « un nombre raisonnable », demandassent un enseignement religieux pour que leurs enfans le reçussent. Inutile de dire que, ni dans les écoles volontaires, ni dans les écoles officielles, pas un enfant ne reçoit, ou n’aurait reçu si le projet de loi avait été voté, l’instruction religieuse contre sa volonté ou contre celle de ses parens. La plus entière liberté règne à cet égard. Il n’en est pas moins vrai que l’introduction d’un enseignement dogmatique dans les écoles officielles aurait été une sorte de révolution. De plus, le projet accordait, au point de vue des subsides de l’État, des faveurs particulières aux écoles libres. Il n’en fallait pas tant pour qu’il provoquât une grande émotion, et même de vives colères ; on a pu reconnaître tout de suite qu’il ne passerait pas. Qu’a fait alors M. Balfour ? La seule chose à faire ; il l’a retiré, sauf à le représenter dans une session prochaine. C’est toujours ainsi qu’on retire un projet de loi. Mais il en est résulté que la session a été remarquablement vide, et que le gouvernement, avec une majorité formidable dont il n’a pas su se servir, a donné le spectacle d’une véritable impuissance. Ses adversaires n’ont pas manqué de le lui reprocher. M. John Morley l’a comparé à une baleine échouée à la côte, dont les mouvemens désordonnés n’ont d’autre résultat que de l’enliser davantage. Est-ce à dire que le ministère Salisbury soit affaibli ? Non, assurément ; il est de taille à subir d’autres mésaventures. Il ne faudrait pourtant pas qu’il s’exposât deux fois à celle-là.


Francis Charmes.
Le Directeur-gérant,
F. Brunetière.