Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 137.djvu/244

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à nos yeux, aucune importance pratique : il suffit que les Crétois aient la certitude que le nouveau pacte ne pourra pas être violé, et ils l’auront. L’arrangement leur assure, dit-on, la nomination d’un gouverneur chrétien, nommé pour cinq ans, avec l’assentiment de l’Europe ; ce gouverneur aurait droit de veto sur les lois votées par l’assemblée générale. Les deux élémens de la population, l’élément chrétien et l’élément musulman, seraient représentés dans l’assemblée proportionnellement à leur nombre, ce qui assurerait la majorité aux chrétiens. L’assemblée voterait à la majorité absolue. Elle serait élue pour deux ans, délai qui est peut-être un peu court. Une gendarmerie locale, avec des officiers européens, veillerait à l’application des lois et au maintien de l’ordre. Quant à l’organisation judiciaire, elle ne pourrait évidemment pas être improvisée dans tous les détails, mais elle serait conçue conformément aux vœux qui ont été émis par les députés chrétiens, et une cour de cassation serait instituée en Crète. Il faut convenir que s’ils obtiennent toutes ces concessions, les Crétois n’auront pas à se plaindre de l’Europe ; et pourtant qui sait s’ils ne s’en plaindront pas ? Leurs prétentions allaient plus loin encore ; mais lorsqu’ils se sont révoltés, avaient-ils l’espérance sérieuse d’obtenir autant ?


Le parlement anglais vient de clore sa session ordinaire, session qui a ressemblé à beaucoup des nôtres, en ce sens qu’elle n’a absolument rien produit. La stérilité a été à peu près complète, à moins qu’il ne faille compter à l’actif du gouvernement et du parlement la présentation et le vote d’un dégrèvement de moitié sur les taxes locales de la propriété agraire et une réduction très sensible de sa cote foncière. Cette libéralité ne profite, en somme, qu’aux grands propriétaires, et elle a eu l’inconvénient de déterminer dès le premier jour la tendance du gouvernement à distribuer ses faveurs de ce côté : la propriété mobilière et les contribuables des villes en paieront les frais. Comme œuvre législative, c’est peu, et on attendait autre chose d’un gouvernement qui disposait après les élections et qui dispose encore d’une majorité de 150 voix. On n’a jamais vu une majorité pareille en France, excepté sous l’Empire, où le gouvernement parlementaire n’existait pas et où les Chambres se bornaient à enregistrer les volontés du gouvernement. Peut-être sa toute-puissance apparente a-t-elle fait illusion au ministère anglais ; peut-être a-t-il cru que tout lui serait facile, et ne s’est-il pas donné assez de peine, soit pour rédiger ses projets de loi, soit pour préparer la Chambre à les voter. En tout cas, sur presque tous les points importans, il a abouti à des échecs. Il avait présenté deux projets principaux. L’un, relatif à la réforme scolaire, a dû être finalement retiré. L’autre, relatif au régime agraire en Irlande, a bien été voté, mais avec des modifications si profondes qu’il en est devenu mé-