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Ils partageaient cette place avec les femmes, auxquelles on défendait d’assister au spectacle de près ; seulement on leur permettait d’apporter des chaises.

Mais ce n’est pas tout d’avoir replacé les spectateurs dans le théâtre relevé ; le plus important reste à faire. Après avoir quelque temps contemplé le public assis à son rang sur les gradins, retournons-nous de la cavea vers la scène. Essayons de nous rendre compte de ce que ces gens regardent avec tant de curiosité et du genre de divertissement qu’on leur offre. Personne assurément ne l’ignore tout à fait ; on a une notion vague de ce qui se passait dans l’arène du cirque et de l’amphithéâtre, ou sur les planches du pulpitum ; je voudrais seulement essayer d’en donner une idée un peu plus précise[1].


V

Les jeux du cirque n’ont pas laissé beaucoup de traces en Afrique. Il en est rarement question dans les inscriptions, et jusqu’ici on y a retrouvé fort peu d’hippodromes. Ne nous hâtons pas pourtant d’en rien conclure ; malgré ces apparences, il n’est guère douteux que les courses de chevaux et de chars n’y aient obtenu une grande vogue. Peut-être même en parlait-on un peu moins, parce qu’on y était plus accoutumé. Comme c’était un divertissement ordinaire, on a pu négliger quelquefois d’en faire mention dans le récit des jeux publics.

Nous savons qu’il n’y avait pas de pays où l’on aimât plus les chevaux qu’en Afrique, et où l’on sût mieux s’en servir. Les Numides passaient pour être les premiers cavaliers du monde. Tite-Live dit qu’au premier abord, quand on les voyait s’avancer à peine couverts d’un morceau de toile, sur des chevaux à la mine chétive, au long cou, à l’encolure raide, on était tenté de les mépriser ; mais on s’apercevait très vite qu’on avait tort. Le cavalier était d’une rare intrépidité, le cheval, sobre, infatigable, merveilleusement docile ; on le dirigeait avec une petite corde de jonc, ou même sans bride, au moyen d’une baguette. La cavalerie numide a fait, avec l’infanterie espagnole et gauloise, la force des armées d’Hannibal ; et, depuis, les Romains en ont tiré d’excellens services. Sous l’empire, les grands domaines, si fréquens en Afrique, possédaient des haras bien entretenus. La belle

  1. Ce sujet a été traité avec un grand intérêt et une remarquable sûreté d’érudition par L. Friedlaender, dans son livre intitulé : Sittengeschichte Roms. (Voyez tome II de la traduction française.) Je renvoie à cet ouvrage tous ceux qui voudraient -connaître à fond un sujet que je ne pourrai qu’effleurer.