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anglaises, américaines : de Duyck et Crespin, pour une ferme ; de Bassenfosse, pour une brasserie ; des frères Beggarstaff et de Greiffenhagen, pour des revues ; de PenfieId, pour un Magazine ; de Rhead, pour un journal. Nous en aurons plus tard de Forain, de Bonnard, de Steinlen ; on nous en donnera même de Puvis de Chavannes.

Toutes ces affiches d’art, il est vrai, ne sont pas toujours des « affiches », et quelques-unes seraient mieux dans un album que sur une palissade ou contre une porte ; mais d’autres, et de nombreuses, ont bien le caractère mural, ou s’en rapprochent. Les uns, parmi leurs auteurs, ont suivi Chéret ; les autres ont cherché, hors de son influence, des effets personnels ; la plupart sont arrivés ou tendent, après lui, à ces déformations de rêve et de féerie, à ces pervertissemens exaltés et chimériques dans lesquels triomphe le genre, et toute une génération de peintres d’affiches, de maîtres du placard, faisant de l’art ou y visant, a pris possession de toutes les surfaces libres, le long de toutes les voies publiques, dans toutes les villes, grandes ou petites ; le coloriage forain, bon ou mauvais, génial ou médiocre, mais toujours violent ou voyant, sollicite maintenant partout les yeux, les agace, et transforme vraiment la physionomie des rues.


II

L’art de l’affiche, bien que ne datant même pas de trente ans, s’est déjà propagé dans de nombreux pays, et M. Octave Uzanne, l’un de ses historiographes les mieux informés, nous le montre répandu à peu près dans le monde entier. En Angleterre, Walker, Walter-Crane, Dudley Hardy, Greiffenhagen et les frères Beggarstaff l’ont déjà poussé, et continuent à le pousser très loin. Walker, dès 1871, sans aller encore jusqu’au coloriage, commençait cependant à le présager dans la gravure murale destinée à l’annonce de la Femme en blanc, le roman de Wilkie Collins. Une femme vue de dos, emmitouflée d’un châle, arrivait d’un pas pressé au sommet d’un escalier, et là, tournant la tête, un doigt sur la bouche, tirait une lourde porte qui s’ouvrait sur les étoiles. Ce fut la première affiche illustrée collée sur les murs de Londres, et qui impliquait déjà la couleur, si elle ne la réalisait pas. Walter-Crane, ensuite, révolutionnait le monde des amateurs par une « symphonie en bleu et en jaune pour la Promenade-Concert de Covent-Garden », et toute une jeune école, depuis quelques années, innove et produit à outrance, visant toujours à l’effet le plus saisissant par le procédé le plus simplifié,