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constaté qu’elles faisaient presque complètement défaut. Le vent est très faible, les chutes d’eau, des plus rares. A peine signale-t-on çà et là une cascade susceptible d’alimenter une turbine, comme, sans doute, celle de la Malamala, au-dessous de Malamalasso. Peut-être, par la suite, trouvera-t-on une application industrielle de la force développée par les rapides.


V

Il nous reste encore un point de vue à examiner brièvement, c’est celui des vœux que suggèrent aux esprits nets et prévoyans les débuts de la colonisation à la Côte d’Ivoire, de certaines appréhensions légitimement conçues par eux pour l’avenir, enfin l’expression des nécessités qui s’imposent d’une manière impérieuse et immédiate à l’attention des pouvoirs publics.

Nous avons rendu pleine justice à l’administration de M. le gouverneur Binger ; elle a toujours été habile, bienveillante, paternelle et ferme. On peut dire sans exagération que, si le fonctionnaire est aveuglément obéi, l’homme privé n’est pas moins aimé de ses administrés ; si nous ajoutons que peu de personnes ont une science aussi consommée du pays et de l’indigène, nous aurons implicitement donné la mesure de ses hautes qualités et des services qu’il a rendus. Mais, outre que l’absence prolongée de ce haut fonctionnaire a pu être préjudiciable dans une certaine mesure au développement de la colonie accoutumée à tout rapporter à lui, à en référer à lui de toutes les difficultés, on ne peut nier qu’il y ait encore à faire pour le perfectionnement ou l’amélioration de ce qui existe déjà.

L’une des réformes qu’il serait en tout cas souhaitable de voir promptement aboutir, malgré les protestations indignées qu’elle suscitera de la part des maisons de commerce, est la restriction de la vente du gin. Tout le monde connaît cette horrible boisson à base d’alcool de pommes de terre que la Hollande et Hambourg fabriquent et expédient en quantités considérables, que Stanley dénonçait naguère à la Chambre des communes et dont on vient, plus récemment, de signaler à Cuba la désastreuse apparition. Un chiffre donnera une idée de la valeur intrinsèque de ce produit. La caisse de « gin vert » de douze bouteilles, emballée, étiquetée, en un mot, prête à l’exportation, vaut, prise à Hambourg, 2 fr. 50. On la vend 10 francs à Grand-Bassam. Que peut-on vendre pour un peu plus de 20 centimes la bouteille quand, sur ce prix, doit encore être imputé celui du verre, du bouchage, de l’étiquetage et de l’emballage, sans parler du légitime bénéfice du marchand ? Et c’est pourtant ce liquide nauséabond que les noirs ingurgitent