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du nombre. Mais la dynamite viendra à bout de beaucoup d’autres ; ceux d’Yakassé, de Kassi-Amonkrou, sur la Comoé, pourront être ainsi partiellement détruits ; d’autres exigeront peut-être, celui d’Annocankrou notamment, le creusage d’un chenal parallèle à la rivière. Pour les successions continues de rapides et de barrages sur de longues portions de cours, comme entre Malamalasso et Daboisué où la Comoé cesse d’être navigable sur plus de trente kilomètres, une route de terre latérale sera indispensable, mais on pourra l’établira assez bon compte.

Le manque d’eau, dans les fleuves et cours d’eau secondaires, pendant une partie de l’année, est également un inconvénient fort grave, mais auquel il est plus aisé de remédier qu’aux embarras de rochers obstruant leur lit. Il est dû naturellement à la déclivité du fond de ces cours d’eau, à leur pente vers la mer, tout autant qu’à la disette de pluie : pendant l’été, les rivières se réduisent à un filet d’eau qui coule, sinueux, au pied des berges abruptes : vienne le changement de saison et le ruisseau gazouillant se transforme en une nappe torrentueuse qui roule avec rapidité et permet de passer souvent presque sans s’en douter, des rapides parfois fort brisons. Il n’est pas rare, en effet, que ces différences de niveau atteignent cinq et six mètres. La nécessité s’impose donc de créer enfin ces écluses que la colonie ne cesse de réclamer depuis si longtemps. La dépense n’en saurait être considérable, eu égard au bon marché de la main-d’œuvre, à l’abondance, sur place, de pierre et de bois. Mobiles et s’abattant au fond de la rivière dans le temps des eaux hautes, se relevant vers la fin de la crue, ces barrages augmenteront d’une manière considérable le rôle de la navigation et permettront aux bateaux à vapeur d’atteindre, même à la saison sèche, Thiassalé sur le Bandama, Annapé sur le Mmé, Annocankrou sur la Comoé, Nougoua et Alankwabo sur le Tanoé. Quant aux arbres abattus dans le courant, quelques équipes de Kroumen armés de haches en viendraient rapidement à bout à l’époque des eaux basses ; il serait juste en retour que le gouvernement local ou la maison de commerce qui entreprendrait de tels travaux fussent rémunérés par l’application d’un droit, d’une taxe quelconque de péage sur tous bateaux européens pénétrant après eux et profitant de leur travail dans les rivières. Ainsi débarrassés des rochers et des troncs les plus gênans, ainsi maintenus pendant l’été à un tirant d’eau suffisant, les fleuves de la Côte d’Ivoire porteront dans tout le pays la race blanche et ses produits. Nougoua, où le bief, à sec en saison sèche, atteint cinq mètres de hauteur, ne sera plus qu’à deux jours d’Assinie ; d’Annapé, où l’étiage des eaux sera encore de trois mètres, on ne comptera plus qu’un jour et demi jusqu’à