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facultés physiques ; l’influence du climat se fait surtout ressentir chez les Européens casaniers, chez ceux que l’ennui ronge, qui s’abandonnent au mal du pays, qui cessent de se sustenter par une abondante nourriture. Il s’en faut d’ailleurs que ce même climat soit, comme se le figurent tant de personnes mal renseignées, torride, dissolvant, intolérable. La température oscille constamment, en toute saison, entre 29 et 32 degrés. Nous en avons souvent davantage à Paris, l’été. Vers les mois de décembre et janvier, quelques coups d’harmattan, vent froid et chargé d’orages, abaissent, pour une demi-journée, la température à 13 ou 15 degrés. En temps ordinaire, les nuages couvrent fréquemment le ciel toute la matinée, permettant de travailler à l’aise. Les nuits sont généralement délicieuses. Notons encore que la saison sèche, moins fiévreuse, convient mieux à l’Européen que la saison des pluies (avril à juin et septembre à novembre) ; que parmi les diverses races blanches, certaines paraissent résister mieux que d’autres (tels les Belges et les Suédois en si grand nombre dans l’Etat du Congo) au climat d’Afrique ; enfin que le Français soucieux de sa santé doit s’astreindre à revenir périodiquement se retremper dans l’air natal. Un programme excellent de déplacemens est le suivant : quinze mois de Guinée, cinq mois de France. A celui de nos compatriotes qui pourra faire alterner dans cette proportion son séjour à la Côte d’Ivoire et sa cure d’air en pays tempéré, on peut prédire une immunité presque complète des germes morbides d’Afrique. Il y a lieu, au surplus, de constater que les personnes d’un certain âge paraissent résister à ceux-ci beaucoup mieux que les individus jeunes.

Il n’est pas jusqu’à l’inertie ou, pour mieux dire, jusqu’à l’incurie complète des bureaux installés au Pavillon de Flore sous prétexte d’administrer nos colonies qui ne retarde ou n’entrave grandement l’essor colonial, tant individuel que public. A la tête de ce ministère qui, au moins autant que celui des Affaires Etrangères, exigerait un long bail avec la même direction, les mêmes tendances, les mêmes traditions, une suite rigoureuse dans les idées, la persistance d’un effort intelligent vers un but dûment envisagé, on place un homme d’élite comme M. Lebon, mais qu’un vote emportera ce soir ou demain, détruisant son œuvre ébauchée, anéantissant ses conceptions, ses réformes, pour lui substituer, avec un autre homme, peut-être très compétent, très capable, très bien intentionné également, d’autres conceptions, d’autres réformes, tout un plan nouveau qui sera peut-être l’exacte contre-partie de celui appliqué précédemment. Quoi d’étonnant, dès lors, que les bureaux, subissant le contre-coup de toutes ces fluctuations, de tous ces bouleversemens du pouvoir central, se