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savane du Soudan, d’après une ligne elle-même assez sensiblement parallèle au rivage du golfe. Cette disposition se prolonge sur toute la Côte d’Or qui ne diffère du reste de notre colonie française que par une simple appellation géographique. Tout ce que l’on peut dire de la Côte d’Ivoire s’applique en effet exactement à sa voisine anglaise avec laquelle elle fut, de longs siècles, confondue par les conquérans et les navigateurs.

Ainsi la Guinée offre, à qui la traverse du sud au nord, deux aspects successifs : la végétation dense sur cent lieues environ de région côtière, la brousse soudanienne quand on s’enfonce dans l’hinterland. En une seule place, la largeur de cette forêt géante diminue, considérablement il est vrai, dessinant, au-dessus de Thiassalé, une étroite et longue échancrure vers la mer, qui donne un intérêt tout spécial à la région du Baoulé. Quant au sol lui-même, qui porte alternativement ces futaies et ces savanes, il apparaît comme une succession ininterrompue de moutonnemens de terrain, de dénivellemens assez doux, sans axe général, sans rattachement à une chaîne principale, sans points culminans, plissemens irréguliers de la terre qui semblent continuer, figées en des proportions agrandies, les houles éternelles du golfe. Entre ces collines circulent des ruisseaux tantôt à sec, tantôt torrentueux suivant les saisons. Les fleuves plus importans sont déterminés eux-mêmes par la convergence fortuite de plusieurs de ces petites criques ou le grossissement de l’une d’elles, décrivent les mêmes lacets, en un mot n’occupent pas le fond de grandes dépressions continues de la contrée. L’altitude générale du pays se relève très lentement vers l’intérieur, tandis que l’absence de plateaux, de grands couloirs de montagnes, a pour conséquence météorologique immédiate le manque presque absolu de coups de vent et de brises rafraîchissantes.

Les frontières de ce vaste territoire, dont notre occupation effective et sérieuse ne remonte guère à plus de cinq ans, sont encore assez mal délimitées. Si l’on en excepte ce développement des côtes qui se poursuit, de l’embouchure du Cavally au village anglais d’Afforénou (New-Town), c’est-à-dire sur une longueur de quatre degrés et demi, rien ne détermine d’une manière absolue la ligne fictive ou naturelle qui doit borner notre domination, à l’est vers Bouna, à l’ouest vers le Sanidougou. L’incertitude est plus grande encore quant à l’hinterland qu’aucune division administrative n’isole de notre sphère d’influence du Soudan. Des progrès sensibles sont accomplis cependant presque chaque mois dans l’exploration de la région du Cavally, qu’on est parvenu récemment à remonter jusqu’à 150 kilomètres de son embouchure.