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point seulement de décider quel en est le contenu, quels en sont les dogmes fondamentaux, indissolubles ; longtemps les « variations » des Églises protestantes portèrent sur cet unique objet : la longueur et le détail de leur catéchisme ; mais elles ont, aujourd’hui, une tout autre portée. C’est sur la nature même de la vérité religieuse que s’engagent à présent les discussions.

Cette vérité existe-t-elle en dehors des croyans, répond-elle à une réalité objective, s’impose-t-elle du dehors, est-elle comme une émigrée de l’au-delà ? ou bien serait-elle, au contraire, dans le for intérieur de chacun, le fruit de la conscience personnelle, la résultante de la religiosité individuelle, l’expression et la traduction de la piété intime, serait-elle, en un mot, subjective ? C’est à ces termes que se ramène, aujourd’hui, l’antagonisme des écoles de théologie protestante en Allemagne. La vérité religieuse vient-elle de Dieu, ou s’élabore-t-elle en chacun de nous ? Au premier cas, elle est ; au second cas, elle devient. Au premier cas, elle risque de gêner la libre science ; au second cas, c’est affaire aux hommes eux-mêmes, auteurs et sujets du « devenir » religieux, d’esquiver un pareil risque. Et dans la première hypothèse, enfin, elle prétend demeurer quelque chose d’instructif, tout comme la science ; dans la seconde, au contraire, elle ne vise à rien plus qu’à émouvoir, à affecter. L’évolution de la pensée protestante en Allemagne, au cours de notre siècle, a développé sans cesse cette dernière conception. Comment elle s’accommode aux nécessités pratiques, administratives, qu’impliquent la vie et la conduite des diverses Eglises protestantes, nous le verrons dans une prochaine étude.


GEORGE GOYAU.