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un article obtenu, mais ce n’a pas été sans peine. On n’a pu vaincre sur un autre. Il veut que deux femmes de chambre et un médecin viennent avec elle, non seulement jusqu’à Fontainebleau, mais que ce train de personnes qu’elle ne connoist point demeure six mois ou même un an auprès d’elle. Ce n’est pas l’intention du Roy. La complaisance que Sa Majesté veut bien avoir pour le duc de Savoye l’a portée cependant à permettre que ces deux femmes et ce médecin viennent jusqu’à Fontainebleau. Le temps du voyage suffira pour instruire celles qui devront servir la Princesse et le médecin qui sera auprès d’elle, de son tempérament et de tout ce qui luy sera nécessaire. Mais tous ces domestiques doivent compter s’en retourner aussitôt qu’ils seront arrivés. C’est, Madame, ce que le Roy m’a ordonné de vous écrire[1]. »

La maison de la future duchesse de Bourgogne étant ainsi définitivement constituée, une dernière question restait à décider : quel serait le haut personnage chargé d’aller au nom du Roi la recevoir à la frontière ? Ce choix dépendait de celui que ferait de son côté le duc de Savoie. Il fallait que celui chargé de la recevoir fût de rang égal à celui chargé de la conduire. Louis XIV aurait désiré que sa nièce, la duchesse de Savoie, amenât elle-même sa fille en France et la conduisit jusqu’à Versailles. Peut-être un secret souvenir du cœur lui faisait-il désirer de revoir la fille unique d’une belle-sœur autrefois tant aimée. Il s’en ouvrait avec mesure à Tessé[2] : « Il est nécessaire que vous sachiés de ce Prince de quelle manière il prétend la faire conduire (la princesse Adélaïde). Vous ne devés luy rien inspirer sur ce sujet, et je veux seulement que vous lui demandiés quelle est sa résolution pour m’en informer. Mais ce seroit une joye bien sensible pour ma nièce, la duchesse de Savoye, s’il lui permettoit d’amener la princesse sa fille. Je m’avancerois en ce cas pour la recevoir jusqu’à Nevers, et outre le plaisir que j’aurois de la revoir, je m’en ferois un très sensible de celuy que cette entrevue causeroit à mon frère. »

Victor-Amédée n’était pas homme à accorder à l’épouse dévouée, vis-à-vis de laquelle il avait cependant de si grands torts à réparer, une satisfaction de ce genre. L’accueil que Louis XIV n’aurait pas manqué de faire à la duchesse aurait été une leçon pour lui, et la comtesse de Verrue s’en serait peut-être montrée offensée. Tessé, qui pour avoir traité avec lui pendant trois ans en était arrivé à le bien connaître, ne laissait sur ce point aucune

  1. Aff. étrang. Corresp. Turin, vol. 95. Torcy à la duchesse du Lude, 2 octobre 1696.
  2. Papiers Tessé. Le Roi à Tessé, 26 juillet 1696.