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annoncée au dehors, et qui est due à de simples motifs de politique intérieure. Les journaux italiens nous ont donné l’assurance que rien n’était changé à la politique générale de leur pays : il n’y a aucune raison d’en douter. M. Visconti-Venosta a remplacé M. le duc de Sermoneta au ministère des Affaires étrangères. Nous ne pouvons que saluer avec sympathie ce vétéran historique de la grande période d’ouest sortie l’Italie actuelle. Il a été ministre de Cavour. Il était encore ministre pendant la guerre franco-allemande de 1870-1871, et il n’a eu alors d’autre préoccupation que de tirer, au profit de l’Italie, le meilleur parti des circonstances, c’est-à-dire de prendre Rome, alors que rien ne pouvait plus y faire obstacle. On a raconté qu’il avait détourné Victor-Emmanuel de venir au secours de la France ; quand bien même cela serait vrai, nous ne lui en voudrions pas, car les événemens s’étaient précipités avec une telle promptitude et ils étaient devenus si vite irrémédiables qu’il était bien difficile de faire militairement pour nous quelque chose d’utile. Mais est-il vrai que le roi ait eu besoin d’être détourné d’une velléité de ce genre, du moins d’une velléité sérieuse ? M. Visconti-Venosta est resté ministre pendant cinq ou six ans encore ; nous n’avons pas eu à nous plaindre de lui ; il s’est conduit à notre égard correctement, honnêtement. Sans doute il n’a songé qu’à son pays, ce qui était son droit, et même son devoir ; mais il ne nous a jamais cherché de vaines querelles, il ne nous a jamais suscité d’embarras artificiels. C’est tout ce que nous pouvons demander à un ministre étranger, en Italie ou ailleurs. Nous avions déjà cette garantie avec le duc de Sermoneta ; nous la conservons telle quelle avec M. Visconti-Venosta. Le duc de Sermoneta laisse le souvenir d’un galant homme ; il a accepté le ministère par dévouement, il en est sorti aussitôt qu’il a pu le faire sans rien compromettre, donnant à la fois un exemple de désintéressement et de modestie. Son successeur, tout comme lui, est partisan sincère et convaincu de la triple alliance. S’il ne l’avait pas été, M. di Rudini n’aurait pas fait appel à son concours et, dans tous les cas, le roi ne l’aurait pas accepté. La conviction de M. Visconti-Venosta est d’ailleurs ancienne ; il n’a pas eu de profession de foi à faire sur ce point pour entrer au ministère. Au reste, il n’a pas recherché le pouvoir. On a cru avoir besoin de lui ; il ne s’est pas dérobé à la responsabilité. Après une retraite ministérielle de vingt années, il s’est chargé de nouveau du poids des affaires, poids qui ne s’est pas allégé dans ce long intervalle de temps. Pourquoi M. Visconti-Venosta est-il demeuré en dehors du gouvernement pendant de si longues années, et pourquoi y rentre-t-il aujourd’hui ? C’est ce que nous ignorons ; mais à coup sûr ce changement dans sa situation personnelle n’en indique aucun dans la politique extérieure de son pays. Elle sera demain ce qu’elle était hier. M. Visconti-Venosta ne peut avoir, et il n’a certainement que de bons sentimens envers nous ;