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dont 1 060 000 âgées de plus de 15 ans, 318 000 étaient classées comme gagnant leur vie (bread winners) ; 133 000 d’entre elles étaient rangées dans la catégorie des domestiques ; 70 000 étaient ouvrières ; 37 000, employées à des travaux agricoles ; 33 000 exerçaient des professions libérales ; 23 000 appartenaient à la classe commerçante comme patronnes ou employées ; 22 000 se livraient à des métiers divers. Nous ne possédons malheureusement de renseignemens relatifs aux occupations des femmes à des époques antérieures que pour la seule colonie de la Nouvelle-Galles du Sud ; elles peuvent néanmoins donner une idée du mouvement qui les porte de plus en plus à se créer une situation indépendante. Le nombre total des femmes néo-galloises était de 337 000 en 1881, de 515 000 en 1891 ; il avait ainsi augmenté d’un peu plus de moitié ; le nombre des femmes gagnant leur vie avait dans le même temps presque doublé, passant de 48963 à 89 502. L’augmentation la plus remarquable était celle qui se manifestait dans les professions libérales, qui occupaient 4 288 femmes en 1881 et 10 402 en 1891. C’est de ce côté surtout que le féminisme tend à les pousser.

Parallèlement à ce mouvement, il s’en produit un autre très significatif : le retard de l’âge du mariage. En 1883 la proportion des jeunes mariées mineures était en Nouvelle-Galles du Sud de 28,17 pour 100 ; en 1892, elle était tombée à 23,55. Le même fait se retrouve en Victoria : pendant la période de 1881 à 1890, la proportion moyenne des jeunes mariées au-dessous de 21 ans avait été de 21 pour 100, et pour celles de 21 à 25 ans, de 43,2 pour 100. En 1893, les chiffres correspondans n’étaient que de 17,4 et 39,8. Dans la Nouvelle-Zélande enfin, où les mariées mineures formaient 29,4 pour 100 du total en 1882, elles ne comptaient plus que pour 19,7 en 1893. Lorsque la femme gagne sa vie par elle-même et que les mœurs laissent à la jeune fille une grande indépendance, elle a moins de hâte de se marier. Souvent, d’ailleurs, le mariage la forcerait à renoncer à sa position. « J’occupe huit jeunes filles de 20 à 25 ans, me disait un commerçant en Nouvelle-Zélande ; elles gagnent de 25 à 30 francs par semaine ; pas une seule n’est fiancée, et en Australasie comme en Angleterre les fiançailles sont souvent longues ; si elles se mariaient, je ne pourrais les garder ; du reste, pourquoi se presseraient-elles : elles gagnent aisément leur vie et sont parfaitement indépendantes ? » Pourquoi se presseraient-elles en effet ? Seulement, se mariant tard, leurs enfans seront moins nombreux. Sans doute il ne faut pas sacrifier l’indépendance de la femme ni lui interdire toute occupation étrangère aux soins du ménage dans