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Les résultats obtenus sont-ils du moins en proportion des dépenses faites ? Il ne le paraît guère. Par défaut d’expérience, par manque d’union aussi entre les villageois, on a trop souvent travaillé en pure perte. Dans l’une des communautés, après avoir défriché une pièce de terre, on n’a pu s’entendre sur ce qu’il fallait y planter, et elle est restée en jachère ; ailleurs, pour satisfaire tout le monde, on a essayé simultanément quantité de cultures diverses, dont la plupart n’ont pas prospéré. L’aspect des villages est, du reste, misérable ; les maisons n’ont le plus souvent que deux, ou même qu’une seule pièce. A Murtho, l’un des villages relativement prospères, le coût de l’entretien d’un adulte n’est que de 2 sh. 6 d. (3 fr. 15) par semaine, vêtemens non compris, ce qui n’indique pas un standard of life bien élevé ; ailleurs on descend à 2 shillings (2 fr. 50). L’une des communautés est restée plusieurs mois sans viande, et cependant en Australie, même dans les grandes villes, le prix du mouton descend à 3 ou 4 pence (30 ou 40 cent.) la livre ; dans les campagnes, il est plus bas encore.

On s’explique ces déplorables résultats lorsqu’on est instruit des méthodes de travail en vogue dans les villages : « A sept heures et demie, répond le président de l’association de Gillen à la commission d’enquête, nous sonnons la trompe ; à huit heures, nous nous mettons au travail ; nous avons un quart d’heure pour fumer, entre dix et onze, puis nous dînons à midi. Le travail est repris à une heure ; à trois heures et demie, repos d’un quart d’heure, et à cinq heures nous rentrons chez nous. » C’est la journée non pas de huit heures, mais de sept heures et demie, qu’on applique ainsi, été comme hiver, à cette œuvre si étroitement dépendante des circonstances atmosphériques qu’est l’agriculture ! Le spectacle serait burlesque s’il n’était attristant. Il semble pourtant que les villageois soient parfois plus durs pour les membres de leur famille que pour eux-mêmes. A Holder, la Commission d’enquête arrivant, à six heures du matin, ne trouve personne dans les champs, qu’une femme coupant du vert pour les vaches : « Trouvez-vous bien qu’une femme soit dehors à travailler lorsque les hommes ne font rien ? demande-t-on au président de l’association. — Oh ! elle était sans doute dehors pour sa santé, « répond-il ironiquement. On constate d’ailleurs, dans ces villages, une répugnance générale à admettre les femmes à délibérer, bien qu’une campagne ardente et couronnée de succès ait été menée l’année précédente pour leur accorder les droits politiques dans cette colonie même de l’Australie du Sud.

Avec les mauvaises méthodes de travail, le manque d’entente