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cette éternelle question des sans-travail, toujours aiguë en Australie. On avait longtemps entretenu le mal en exécutant des travaux publics inutiles[1]. La cause profonde de la surabondance des gens sans emploi dans ce pays si neuf était manifestement l’excès de la population urbaine ; pour le guérir, il fallait donc s’efforcer d’augmenter la population rurale, et donner aux sans-travail des terres dont la culture les ferait vivre, tandis que les métiers urbains étaient incapables d’assurer leur subsistance : settle the people on the land, placer les gens sur la terre, telle est la formule répétée à l’envi par tous les politiciens des antipodes ; et pour obtenir ce résultat, les diverses colonies ont, depuis une dizaine d’années et surtout depuis 1892, profondément altéré leur législation sur les terres.

Dans les lois passées par les diverses colonies de 1884 à 1888, le système de la vente à auction des terres publiques fut de plus en plus abandonné ou du moins fort restreint et remplacé par la vente à prix fixe soit au comptant, soit à paiemens répartis en quinze ou vingt annuités et sous condition de faire certaines améliorations, notamment des clôtures, dans un délai donné, et souvent aussi de résider sur la terre ; les étendues qui pouvaient être achetées par une même personne furent limitées à quelques centaines d’hectares, ce qui n’est pas énorme dans un pays tel que l’Australie. L’ensemble de cette législation était assez sage : elle empêchait l’accaparement du domaine public par des spéculateurs, comme cela avait eu souvent lieu antérieurement. Elle contenait, cependant, déjà le germe d’une intervention excessive de l’État dans les affaires des colons, et l’on pouvait y trouver la trace d’un esprit hostile à la grande propriété.

Ces dispositions se sont manifestées dans les lois plus récentes adoptées par toutes les colonies depuis 1890, sous la pression du parti ouvrier. La plus caractéristique est celle de la Nouvelle-Zélande, qui date de 1892.

Les traits distinctifs du régime actuel des terres, dit une publication officielle : The official year book of New Zealand, sont le résultat d’idées venues graduellement à maturité dans cette colonie depuis quelques années. Ils comprennent le principe de la possession du sol par l’Etat, combiné avec une tenure perpétuelle de l’occupant : State ownership of the soil <ith a perpetual tenancy in the occupier. La plus grande partie des

  1. Les excès de construction de voies ferrées ont été très grands, notamment dans la colonie de Victoria, où il se trouve 227 kilomètres, dont les recettes kilométriques n’atteignent pas 1 000 francs par an et 820 qui ne font pas leurs frais d’exploitation, sur 5 000 kilomètres au total.