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les derniers contreforts du Jura, traversant l’Arve, le Rhône, la Saône, les canaux du Centre et du Nivernais, l’Yonne et le Loing, pour atteindre, après un trajet de 540 kilomètres, un réservoir situé sur le coteau de Châtillon, à une altitude de 118 mètres. Les deux conduites seraient en acier laminé et présenteraient un diamètre de 3m, 60, avec une épaisseur de 5 à 9 millimètres. La dépense était évaluée à 489 320 000 francs. Il n’a pas été donné suite à ce premier projet, soit qu’on l’ait trouvé trop dispendieux, ou d’une exécution trop difficile, soit que cette eau, malgré son admirable limpidité, ne présentât pas des garanties de pureté suffisantes, par suite des nombreuses souillures auxquelles le Léman est exposé[1].

Les villes situées sur les bords des lacs ont une tendance naturelle à y puiser leurs eaux d’alimentation ; mais il faut placer la prise assez loin du bord pour qu’elle ne soit pas souillée par les immondices qui s’y déversent. Chicago, dont les égouts se déversent dans le Michigan, a dû faire la sienne à plus de trois kilomètres de la rive, au moyen d’un tunnel aboutissant à une énorme tour située au milieu du lac et munie de vannes à différentes hauteurs ; mais, depuis cette époque, la population a augmenté dans de telles proportions que la souillure a gagné la prise d’eau, et la ville fait exécuter, en ce moment, un canal à grand débit, pour déverser ses eaux vannes dans le Mississipi, par l’intermédiaire de la rivière des Plaines et de l’Illinois. L’eau des lacs, comme celle des rivières, est toujours suspecte et demande à être épurée.

Lorsqu’une ville se résigne à s’alimenter avec l’eau de la rivière qui la traverse ou du lac sur le bord duquel elle est située, la dépense est beaucoup moindre que quanti il faut aller la chercher au loin : il suffit d’une machine élévatoire pour la faire monter jusqu’au réservoir d’où partent les conduites de distribution. On n’emploie plus aujourd’hui, pour cela, que des machines à vapeur ou des appareils hydrauliques. Quand il s’agit, au contraire, d’amener en ville des sources éloignées, les travaux à effectuer sont considérables et demandent beaucoup de temps. En revanche, comme le point où les sources sont captées est en général plus élevé que celui du réservoir dans lequel il faut les amener, la pesanteur suffit pour leur faire parcourir la distance. C’est

  1. Le projet de M. Duvillard n’en a pas moins été repris par un autre ingénieur, M. Badois, à la suite de la longue sécheresse qui a forcé le service des eaux de verser encore de l’eau de Seine dans la canalisation du service privé. Une campagne très active en sa faveur a commencé dans la presse et M. Lazies s’en est fait l’interprète près du Conseil municipal à la séance du 14 octobre dernier, en demandant qu’un crédit de 10 000 francs fût mis à la disposition de l’Administration pour commencer les études.