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dans le voisinage, et plongeant dans la même nappe souterraine. Pour peu que le sous-sol soit perméable, il s’y fait de dangereux mélanges. A la campagne, les puits sont forés dans les cours des fermes, auprès des fumiers sur lesquels on jette toutes les déjections et reçoivent directement tout ce qui s’en écoule. L’eau des puits est en général trop chargée de sels minéraux et de matière organique ; on doit toujours la considérer comme suspecte et la rejeter pour peu qu’elle présente de l’odeur.

Les puits artésiens n’ont avec les puits ordinaires qu’une analogie de nom, et leurs eaux ne se ressemblent pas davantage. Elles proviennent de sources profondes auxquelles on donne issue par un forage artificiel. Elles sont rarement potables. Leur température élevée, leur minéralisation, les rapprochent des eaux thermales. Elles ont comme elles pour origine les grandes nappes souterraines qui courent à travers des couches géologiques, qu’on ne peut atteindre qu’en pénétrant à des profondeurs de 500 à 600 mètres. Le puits de Grenelle peut servir de type ; c’est le plus ancien[1]. Il a été foré il y a un demi-siècle et provient d’une source qui coule dans les grès verts, à 548 mètres au-dessous de la surface du sol. La température de l’eau est de 28 degrés ; elle renferme 0gr, 132 de résidu fixe et ne contient que des traces de matière organique. On pourrait à la rigueur la boire après l’avoir fait refroidir, mais on ne s’en sert que pour le service public.

L’eau de pluie est la seule ressource d’un grand nombre de localités. On n’en buvait pas d’autre à Venise, avant qu’on y amenât les eaux de la Brenta. Dans le nord de l’Afrique, c’est encore le principal moyen d’alimentation qu’on possède. On connaît les anciennes citernes de Carthage, celles de Constantinople[2] et les magnifiques travaux que les Anglais ont faits à Aden, pour recueillir les pluies, si rares dans ce pays. L’eau qu’on se procure ainsi n’est pas aussi pure qu’on pourrait le croire. En tombant, la pluie lave l’atmosphère ; elle entraîne les gaz, les poussières, les microbes et les moisissures que contient celle-ci ; elle lui emprunte de très petites quantités de carbonate et de sulfate d’ammoniaque, des traces de sel marin, de sulfate de soude ; enfin, après les orages, on y trouve un peu d’acide azotique libre. Au Sénégal, après les tornades, l’eau, qui tombe à flots, rougit les chapeaux

  1. Paris possède aujourd’hui quatre puits artésiens : ceux de Grenelle, de Passy, de la barrière de Fontainebleau et de la Chapelle.
  2. Les citernes de Constantinople sont les plus belles qu’on connaisse. L’une d’elles est couverte d’une voûte soutenue par 424 colonnes et peut contenir 1 288 000 mètres cubes d’eau.