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« souveraineté du peuple », on se donne pour but d’en faire une fonction de la vie nationale, et que de cette fonction on demande l’accomplissement aux organes connus de la vie nationale, vies individuelles et vies collectives : alors, le suffrage universel sera devenu organique ; étant devenu organique, il ne sera plus anarchique ; dès qu’il ne sera plus anarchique, la crise de l’Etat moderne sera résolue.

Dire cette vérité bien simple sur la crise et sa solution ; proclamer que, théoriquement, si l’on veut, avec le suffrage universel, faire et entretenir de la vie, comme il n’y a que la vie qui crée la vie, il faut donc régler le suffrage universel selon la vie ; et puis en exposer, en indiquer plutôt les moyens pratiques : notre ambition n’est pas allée au-delà.

Loin de nous la vanité de croire (nous y revenons, en terminant, tant nous en sommes pénétrés) que nous ayons trouvé le spécifique, le baume de Fierabras qui, en une heure, guérira nos sociétés malades ; ou tout bonnement, loin de nous l’idée de croire que notre système est parfait et de prétendre l’imposer sans retouches. Non, certes, il n’est pas parfait, quoiqu’on se soit attaché à y introduire les meilleures parties de tous les systèmes inventés avant lui et qu’il ne soit, à dire le vrai, qu’un assemblage de ces parties, reliées entre elles et dominées par la notion supérieure de la vie. Non, certes, il n’échappe pas à la critique, et il nous semble entendre déjà les objections qui se croisent.

Mais nous n’en sommes guère troublés, car il nous semble aussi qu’il n’y en a pas une seule à laquelle il ne puisse victorieusement résister, ou dont il ne puisse se défaire, en en tenant compte. De ces objections sur tel ou tel détail, combien on entend déjà ! « Pourquoi prendre comme base le chiffre des électeurs inscrits et non le chiffre total de la population ? — Pour marquer nettement que le suffrage n’est pas de droit naturel, que c’est un droit conféré par l’Etat, dans une vue d’Etat. — N’est-ce pas quelque peu en contradiction avec la thèse, que tout ce qui vit a le droit d’être représenté ? — Nullement ; car l’électeur inscrit, étant le mâle adulte, représente devant le suffrage les femmes, les enfans, la famille, tout ce qui vit autour de lui. D’ailleurs, tenez-vous à prendre comme base le chiffre total de la population ? la proportion n’en sera presque pas changée.

— Pourquoi 500 députés seulement ? — Pour que la Chambre ne soit plus ce que Carlyle nommait et ce que nous avons bien plus de motifs que les Anglais de nommer « la pétaudière nationale ». — Mais alors, 500 députés, n’est-ce pas encore trop ? — Peut-être ; rien n’empêche d’établir les calculs pour 400 ou même 300, ainsi qu’on l’a fait pour 500 ; le quotient électoral augmentera, et