Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 136.djvu/429

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

commerciales à peu près sur l’ancien pied entre les deux pays.

Les États-Unis ont multiplié depuis la fin de 1894 leurs achats, mais nous ne pouvons guère nous flatter de gagner beaucoup de terrain en Angleterre. Les marchés de Suisse, d’Italie et d’Espagne ne comptent plus guère pour la fabrique lyonnaise ; l’Allemagne, l’Autriche, la Russie tendent de plus en plus à produire ce qu’elles consomment. Il reste aux fabricans de Lyon quelques perspectives de développement en Algérie et en Tunisie, dans l’Afrique du Sud, au Transvaal, et, par-delà l’océan Atlantique, au Brésil, au Chili, dans la République Argentine.

Au moins nos colonies promettent-elles de sérieux débouchés à nos industries ? Si depuis vingt ans nous avons dépensé des sommes énormes pour le développement de notre empire colonial, si des terres et des îles en Afrique, en Asie, dans l’Océanie, formant ensemble de grandes étendues, ont été placées sous notre domination directe ou sous notre protectorat, ce n’est certes pas pour la satisfaction de régner platoniquement sur de nouveaux territoires, ni même d’élever éventuellement d’un degré, sur l’échelle de la civilisation, les populations plus ou moins incultes qui les habitent ; c’est pour une fin plus pratique, pour la recherche de nouveaux débouchés commerciaux, la création de nouveaux marchés. On a voulu avant tout aider au développement économique de la métropole. La politique coloniale, à laquelle tant de sacrifices ont été faits déjà, n’a aucune signification, si elle n’a point celle-là. Une politique coloniale qui ne viserait que la conquête et la gloire mériterait, dans les circonstances historiques où nous sommes placés depuis un quart de siècle, toutes les réprobations de la nation.

L’objet cherché a-t-il été obtenu, au moins pour partie ? Avons-nous trouvé ces débouchés, créé ces marchés nouveaux ? La commission du budget de 1896, ayant résolu de faire une enquête sur la situation économique et commerciale de nos possessions d’outre-mer, a trouvé les résultats suivans[1] :

Le commerce général de toutes les colonies françaises, autres que l’Algérie et la Tunisie, s’est élevé en 1894 à la somme de 476 millions. Sur ce montant, l’étranger a fait avec nos colonies un chiffre d’affaires de 259 millions ; la France n’a fait qu’un commerce de 213 millions, soit 46 millions de moins. Si l’on examine séparément les importations et les exportations, l’on constate que les colonies ont acheté du dehors en 1894 pour 223 millions, dont 123 millions à l’étranger et 100 millions en chiffre rond à la France. Les colonies ont exporté ou vendu, la même année,

  1. Rapport de M. Turrel sur la situation économique des colonies françaises, déposé le 25 novembre 1895 sur le bureau de la Chambre des députés.