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routine. L’agriculture, dit-il, est une véritable industrie, et il est remarquable que, pour des raisons diverses, elle n’ait que si faiblement participé en Angleterre aux avantages que tant d’autres formes de l’industrie ont obtenus de l’application des découvertes scientifiques, et aussi des bienfaits de la coopération que l’on voit à l’œuvre avec un si grand éclat sur le continent, notamment en France. Sans doute les cultivateurs anglais n’ont pas encore nettement la conscience des conditions de la lutte pour l’existence où ils sont engagés. Ils ne font point spontanément tout ce qui serait possible pour sortir du lamentable état de dépression où ils ont laissé tomber leur industrie. Le pays ne pourra que suivre avec sympathie les efforts qu’ils feront pour améliorer eux-mêmes leur situation, et ces efforts constitueront un titre plus pressant à l’assistance du parlement que ne le ferait la dépression agricole par elle-même. Ce langage était la condamnation, par un membre du gouvernement, du socialisme d’Etat ; une paraphrase du thème : Aide-toi, le ciel t’aidera ; langage viril, mais où l’agriculture anglaise ne trouvait assurément pas les encouragemens qu’elle avait espérés.

Lord Salisbury ne lui a pas donné beaucoup plus, lorsque des membres de la Chambre des communes, partisans de mesures législatives en faveur de l’agriculture, vinrent lui présenter, avant l’ouverture de la session, un long mémoire sur les moyens de parer à la détresse agricole : pensions de l’Etat pour les vieillards, réduction des taxes foncières, marques d’origine sur les produits étrangers, déclaration de guerre à tous les genres de fraude sur la qualité et l’origine des produits, extension des pouvoirs du Bureau de l’agriculture, etc. Fait à peine croyable, il n’était, dans ce document, fait mention ni du bimétallisme ni de la protection. Le premier ministre couvrit d’eau bénite de cour les délégués de l’agriculture souffrante ; il les assura de la profonde, de l’anxieuse sympathie du gouvernement, parla de la sévérité de l’épreuve que traversait cette grande industrie nationale, insista sur la faiblesse du pouvoir curateur de la législation, et, finalement, promit d’insérer dans les propositions ministérielles de 1896 les mesures qui paraîtraient le plus propres à procurer le soulagement désiré.

Une autre délégation, représentant l’agriculture des comtés orientaux de l’Angleterre, alla porter ses doléances au premier lord de la Trésorerie, M. Arthur Balfour, et au ministre de l’agriculture, M. Walter Long. On sait que M. Balfour est bimétalliste. Il a déclaré une fois de plus, dans le débat qui eut lieu en mars sur une proposition monétaire, ses opinions bien connues à cet égard. S’il dépendait de lui, il tenterait de sauver l’agriculture par