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dans la pièce en très haut-relief de M. Octobre, le Vice et la Vertu. L’on y voit trois damnés, en bas, se débattant, avec des contorsions violentes, sous les pierres de leur sépulcre, tandis qu’une jeune femme, une élue, demi-nue, s’élance, plus haut, vers le ciel, emportée par un ange à grandes ailes. Presque toutes les figures, plus qu’en relief, se détachent complètement du fond et sont de véritables rondes bosses ; la composition révèle encore peu d’originalité, et la tête de l’ange, en particulier, qui pourrait être un portrait d’ecclésiastique, n’a point la noblesse idéale de l’emploi. On sent déjà néanmoins, dans la façon énergique de modeler les masses, une main décidée et robuste.

A côté du Christ pardonnant, de M. Hippolyte Lefebvre, on a remarqué un Christ en croix, très fermement modelé par M. Hannaux, pour l’église de Saint-Maximin, à Metz ; un Christ au tombeau, plâtre teinté, par M. Becquet, touchante effigie, émaciée et endolorie, énergiquement détaillée avec la conscience grave d’un imagier du moyen âge ; et un Christ descendu de la croix, porté par Joseph d’Arimathie, de M. Idrac. L’allongement des formes, l’accentuation des musculatures, la recherche d’une expression intense montrent, dans ce dernier ouvrage, l’étude des sculpteurs du moyen âge jointe à l’étude de Michel-Ange. Pour laisser se développer librement le mouvement assez heureux, mais violent, du porteur de cadavre, M. Idrac a dû couper la croix, dont le Christ est descendu, à la hauteur d’un mètre. Cette invraisemblance gêne quelque peu pour l’intelligence de l’action. Le groupe colossal de la Vierge, présentant l’enfant Jésus nouveau-né aux fidèles, le Noël, par M. Luca Madrassi, qui rappelle une figure du regretté Delaplanche, est destiné à la cathédrale de Philadelphie ; c’est un marbre bien travaillé et d’un style correct.

Les deux ouvrages importans qui ont valu à M. Gustave Michel la médaille d’honneur, dans leur forme définitive, la statue de la Pensée et le groupe de l’Aveugle et le Paralytique sont connus depuis quelques années. Nous en avons, ici même, fait l’analyse et l’éloge. Ce qui caractérise le talent, distingué et discret, de M. Gustave Michel c’est une façon, très simplement naturelle et personnelle, d’animer ses figures, sans affectation, d’une sensibilité assez moderne et sympathique au public. La Pensée, en riches habits, assise, dans un vaste siège, au milieu d’instrumens de toute sorte, dans un milieu un peu compliqué, paraît représenter d’abord, sous cet aspect, notre dilettantisme encombré et porté à l’étalage ; mais si l’on examine la tête noble, franche, pensive, d’un type tout français, on reconnaît que le sculpteur s’est élevé à une conception plus haute en imprimant sur le visage la clarté et la décision qui dirigent l’intelligence et la raison à