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de certains momens, a été si brillante, et qui peu à peu s’est obscurcie et presque éteinte sous l’injustice de son propre parti. On lui a reproché comme un crime l’opposition qu’il a faite à l’article 7 et aux décrets. Quoi de plus conforme que cette opposition aux principes de toute sa vie ? Il n’y a mis aucune amertume contre les personnes ; pourquoi en a-t-on mis autant contre lui ? C’est que, sous des formes douces et presque caressantes, il cachait une volonté d’autant plus ferme qu’elle se rattachait chez lui à des convictions immuables. On sentait qu’il ne céderait pas, et même qu’il ne plierait que jusqu’à un certain point bien vite atteint. Les partis ont des exigences impitoyables ; ils prétendent imposer une docilité dont une âme un peu fière et un esprit vraiment libre sont incapables. Enfin, il faut bien le dire, M. Jules Simon a rencontré sur son chemin plus qu’un adversaire, un ennemi, chez l’homme le plus puissant qui ait été à la tête du parti républicain pendant une dizaine d’années. Gambetta est mort avant l’heure, M. Jules Simon a été politiquement usé avant d’avoir pu donner toute sa mesure, et voilà comment les hommes manquent à leur pays, à leur parti, tantôt par la fatalité qui les enlève prématurément sans que nous puissions rien contre elle, et tantôt par suite de la guerre cruelle qu’ils se font entre eux. Il n’est resté à M. Jules Simon que sa plume d’écrivain, et surtout son talent de parole qui a fait de lui, non seulement à la tribune parlementaire, mais dans les académies et jusque dans la conversation familière, un des plus merveilleux artistes que sa génération ait produits et que la nôtre ait entendus. Sa voix n’était pas sans défauts, mais elle était pénétrante, et il s’en servait, il en jouait avec une habileté de diction incomparable. Le gouvernement et le parlement ont décidé que ses funérailles auraient lieu aux frais de l’État. Parmi les raisons qu’il en a données, après avoir rappelé d’un mot le grand rôle que M. Jules Simon avait joué dans les lettres et dans la politique, M. le président du Conseil a dit de lui qu’il n’avait « jamais cessé de se dévouer, avec le plus parfait désintéressement, à l’amélioration du sort des humbles. » Cela est vrai. M. Jules Simon a été un apôtre de la charité ; il s’est prodigué pour les autres ; il s’est oublié lui-même. Et de tous les traits qui honorent sa mémoire, celui-là surtout méritait en ce moment d’être relevé.

Au dehors, les affaires d’Egypte et du Soudan, et les rapports de l’Angleterre et de l’Italie à propos de ces affaires, ont plus particulièrement attiré l’attention pendant ces derniers jours. On se trouve là en présence d’un imbroglio qui n’est pas encore complètement dénoué : cependant, les documens commencent à abonder. Ils sont venus surtout d’Italie. Le duc di Sermoneta, ministre des affaires étrangères du cabinet Rudini, a publié un Livre vert des plus instructifs et des plus complets, qui ne paraît pas avoir produit en Angleterre une bonne