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bert. M. Isambert préside le groupe Isambert : on n’a pas pu donner au groupe un autre nom que celui de son président, car on ne savait comment le qualifier. Ce groupe est un lieu de refuge placé entre le centre et l’extrême gauche, et qui recueille tous ceux qui évoluent entre ces divers points topographiques. Il comprend des modérés, des radicaux, des socialistes, à la condition pourtant qu’ils ne soient pas trop exclusivement ou ceci ou cela, mais c’est une condition que beaucoup de gens remplissent aisément. On peut d’ailleurs appartenir au groupe Isambert et, en même temps, à tous ceux qui l’avoisinent. L’utilité de ce groupe apparaît tout de suite : il sert de trait d’union entre la majorité du centre et les élémens plus avancés de la gauche, sans que l’on sache au juste jusqu’où il se prolonge dans ce dernier sens. Ses frontières sont toujours restées indécises. Le groupe Isambert a joué un rôle considérable sous le ministère Bourgeois : c’est là qu’était fixé le pivot, d’ailleurs tournant, de la majorité radicale. En d’autres termes encore, M. Isambert servait de centre de ralliement à une agglomération parlementaire qui comprenait les radicaux et les socialistes. Mais à quoi servira-t-il désormais, si les socialistes se mettent en dehors de la majorité et si le gouvernement leur souhaite bon voyage en s’applaudissant du débarras ? C’est bien le danger que M. Isambert a aperçu ! Aussi s’est-il précipité à la tribune pour y parer, se croyant sûr qu’avec un des vieux refrains de jadis il réunirait les tronçons éparpillés de la concentration républicaine, et il a dit : Ne pensez-vous pas, messieurs, que le cléricalisme, voilà l’ennemi ? À sa grande surprise, l’effet a été nul : on était à cent lieues de penser au péril clérical. Alors, il a voulu préciser, et il a parlé de la loi militaire et de la loi scolaire : on lui a fait observer doucement qu’elles n’étaient pas en cause, que personne n’en avait demandé l’abrogation, et qu’il était seul à penser à elles. La déconvenue de M. Isambert a augmenté ; il ne reconnaissait plus la Chambre ; il ne savait plus par quel bout la prendre. Autrefois, lorsque le gouvernement était dans l’embarras, ou lorsqu’un député voulait se donner à bon compte vis-à-vis de ses électeurs le mérite de faire voter une motion, il proposait de se prononcer, toute affaire cessante, sur la nécessité de maintenir énergiquement les lois militaire et scolaire. Le procédé était infaillible. On abandonnait immédiatement la discussion en cours pour voter les lois dites républicaines, sans qu’on ait jamais bien su pourquoi elles s’appelaient ainsi. Elles ont été ainsi votées et revotées une vingtaine de fois, peut-être davantage ; mais l’autre jour la Chambre a paru stupéfaite qu’on pût la convier encore à ce jeu innocent. Alors, M. Isambert a lâché le grand mot ; il a reproché au gouvernement de s’appuyer sur la droite et d’être le prisonnier de M. de Mackau. Cette accusation, qu’il avait gardée pour la fin comme une dernière cartouche, n’a pas produit dans la Chambre plus d’impression que les autres. M. le président du Conseil a répondu qu’il n’était le