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par ordre chronologique : Une colonne italienne qui succombe héroïquement à Dogali laisse ses fusils et son matériel sur le champ de bataille. En décembre dernier, à Amba-Alaghi, le massacre de la troupe du major Toselli permet à Ménélik de recueillir un autre armement ; la prise d’Antalo lui livre encore armes et munitions[1]. A la fin de janvier, cette année, à Makalé, les Abyssins, après la capitulation, entrent en possession du matériel et des approvisionnemens que le colonel Galliano ne peut enlever, faute de moyens de transport suffisans. La défection des bandes auxiliaires des ras Agos Tanfari et Sebat, fait passer dans le camp éthiopien plus de 2 000 hommes aguerris, auxquels les officiers italiens avaient donné une certaine discipline et qu’ils avaient armés de Wetterli. Les musulmans Dankalis de l’Aoussa qui avaient pris parti pour l’Italie, sont, de leur côté, battus, razziés, et laissent entre les mains d’un lieutenant de Ménélik, le ras Welda-Ghiorghis, la plupart des Wetterli que le général italien avait fait remettre.

A la suite de leur triomphe à Adoua, les Abyssins ramassent, sur le champ de bataille et sur les chemins suivis par les fuyards, 15 000 Wetterli, avec des cartouchières plus ou moins garnies, et un approvisionnement d’un million et demi de cartouches porté à des de mulets[2].

Après tout, pareilles mésaventures sont survenues aux Français en Algérie, aux Russes dans le Caucase, aux temps de la conquête, et aux Anglais en Afghanistan, au cours des désastres de leur retraite.

En résumé, on l’a vu, les reproches faits à la France par l’opinion publique italienne, d’avoir armé les Abyssins, sont immérités. Ménélik s’est procuré armes et munitions un peu

  1. Nous prîmes beaucoup de fusils, de munitions et de vivres. » — Lettre de Ménélik, 15 décembre 1895.
  2. Dans ses dépêches, l’état-major italien a annoncé qu’il y a eu obligation de réarmer et de rééquiper de nombreux fuyards d’Adoua qui avaient perdu ou abandonné leurs fusils ou leurs sacs. On sait aussi que le négus a ordonné aux paysans de rechercher toutes les armes et effets d’équipement, abandonnés, durant la retraite par les éclopés, dispersés et malades de l’armée du général Karatieri, et d’apporter le tout au camp abyssin, cela sous les peines les plus sévères.
    Les fusils tombés au pouvoir des Abyssins sont du système à répétition Wetterli-Vitali, modèle 1870-89, avec baïonnette courte et tirant de la poudre sans fumée dite « balistite ». Les bataillons indigènes ascaris avaient reçu cet armement depuis les derniers mois de 1894. Les armes des contingens irréguliers des ras Agos Tamfari et Sébat, passés dans le camp de Ménélik, étaient des Wetterli, modèle 1811. Les armes des deux modèles ont le même calibre et peuvent tirer les mêmes cartouches.
    Les différens corps d’infanterie de l’Erythrée vont recevoir le nouveau fusil de petit calibre adopté par l’Italie et dont la pénurie du trésor avait retardé la fabrication. La mesure est tardive.