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En Italie, on considérait l’armée abyssine comme un rassemblement de bandes barbares, et, même dans les sphères officielles, on a été surpris, de prime abord, en apprenant que Ménélik avait réuni plus de 100 000 hommes pour résister à l’attaque du général Baratieri. Cet étonnement n’avait point de raison d’être. Le gouvernement et l’opinion publique possédaient des élémens d’appréciation. A côté de l’admirable travail d’ensemble d’Elisée Reclus sur l’Abyssinie, il existait en effet depuis 1888 un rapport du comte Antonelli, plénipotentiaire italien près l’empereur Ménélik. Ce rapport, bien susceptible d’éclairer les dirigeans et les partisans de la guerre, donnait rémunération exacte des forces militaires du Choa[1], une des principales subdivisions de l’Abyssinie, dont l’empereur Ménélik est roi. Le Choa est quelque chose comme le domaine royal sous l’ancienne monarchie française, ou plutôt encore comme, actuellement, la Prusse dans l’empire allemand.

L’envoyé italien, sous prétexte de faire sa cour au négus, — en réalité pour bien connaître les forces des Abyssins, — l’avait accompagné dans quatre expéditions de guerre. Il évaluait à 190 000 le nombre des soldats dont Ménélik pouvait disposer, et ainsi répartis :


Maison militaire de l’empereur (corps d’élite) 19 000 hommes
Trois corps d’année (garnisons et troupes permanentes) 45 000 —
Contingens des ras (milices mobiles) 114 000 —
Partisans et volontaires 18 000 —
Total 196 000 —

Le comte Antonelli assurait que, l’empereur maintenant les Gallas et autres auxiliaires dans l’obéissance, ces 190 000 hommes seraient tous disponibles, et que la quantité des combattans augmenterait dans des proportions considérables. Il affirmait, en outre, que, dans les effectifs énumérés par lui, 50 000 hommes étaient armés de fusils, parmi lesquels 12 000 se chargeant par la culasse et de fabrication récente[2]. De son côté, le capitaine

  1. Le rapport du comte Antonelli est daté du 23 novembre 1887 et a été publié dans le Livre vert italien du 17 décembre 1889.
  2. D’après la Rivista Militare, journal ayant des attaches avec le ministère de la guerre de Rome, le nombre des fusils à tir rapide (Vetterli, Remington, Gras et autres) entre les mains des Abyssins dès le commencement de 1895, était monté à 65 000.