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de cet inventeur, à qui le gouvernement avait donné une pension de 1200 francs, usait ses dernières ressources à confectionner les thermolampes ; depuis l’emploi, par l’Anglais W. Mardoch, du charbon de terre distillé pour la production de l’éclairage, jusqu’à l’heure actuelle ou 1100 villes françaises, englobant le tiers de la population, usent annuellement 700 millions de mètres cubes de gaz, les progrès de la fabrication ont marché de pair avec ceux de la consommation. On est parvenu à extraire « l’esprit de houille », aussi complètement et aux moindres frais possibles.

Avant de traverser la Seine, au pont d’Asnières, le chemin de fer de Versailles longe l’usine la plus importante de la compagnie du gaz, celle de Clichy, qui fournit le tiers de la production parisienne, jusqu’à 450 000 mètres cubes en vingt-quatre heures, dans la saison des longues nuits. Les besoins de lumière artificielle varient fort, on le conçoit, suivant les mois et, dans chaque mois, suivant la pureté du ciel. Un temps continuellement clair à l’automne est une perte sèche pour les actionnaires du gaz : il retarde l’allumage de 20 ou 30 minutes chaque jour. Au contraire tout ce qui porte le public à se coucher tard est favorable aux recettes de la compagnie. C’est dans la veillée de Noël ou du jour de l’an que se place le maximum de dépense : environ 1 800 000 mètres cubes.

Un point important pour l’industrie gazière est le choix de la houille : tous les charbons ne sont pas propres à faire du gaz. Des exploitations minières très vastes n’en contiennent aucun que l’on puisse avantageusement employer à cette fin ; Anzin, depuis quinze ans, n’en possède plus. Le « charbon à gaz » idéal devrait être doué d’un grand pouvoir éclairant et laisser, après distillation, de bon coke pour le chauffage. Il faut ici tirer deux moutures du même sac ; le prix de revient du gaz dépendant, pour une grosse part, du bénéfice que procure la vente des produits accessoires. On concevra l’importance de ces « sous-produits », par ce détail que 3 kilos 300 grammes de houille, dont le prix est d’environ 7 centimes, rendent un mètre cube de gaz épuré, après l’extraction duquel le coke, le goudron et les eaux ammoniacales représentent encore une valeur de 6 centimes 40, presque égale à celle de la houille avant d’être dépouillée de son gaz.

Comme il n’existe pas de charbon réunissant toutes les qualités souhaitables, la compagnie, qui en distille annuellement un million de tonnes pour obtenir les 310 millions de mètres cubes de gaz qu’elle distribue à Paris et à la banlieue, mélange les sortes grasses, précieuses pour le coke, qu’elle tire du Pas-de-Calais, avec le cannel-coal, inconnu en France, qu’elle achète