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et que la cire des abeilles elle-même rencontre des rivales sérieuses dans les cires recueillies sur certains arbres exotiques : raphia de la Réunion, coccus de Chine, ou palmier du Brésil.

La chandelle a tenté de se défendre par le bon marché : elle u revu le suif de mouton, qui sous l’ancien régime s’y faisait maintes fois remplacer frauduleusement par le suif de bœuf. Elle a substitué, à la grosse mèche fumeuse, des tresses de coton supprimant le mouchage et, présentée au public, non plus dans son classique papier jaune, — le papier à chandelles, — mais dans des caisses avenantes, elle espérait sans doute se faire passer pour bougie. Ç’a été son dernier et infructueux effort avant de sombrer ; elle est descendue, pour n’en plus sortir, dans les caves des marchands de vins, où les tonneliers l’emploient à étancher les futailles qui suintent.

La vénérable et infecte lampe à huile n’avait pas opposé de résistance ; elle s’évanouit, sous Louis XVI, aussitôt que le physicien genevois Argand eut imaginé la lampe à double courant d’air connue sous le nom de quinquet. Nouveau Colomb, Argand trouva un nouvel Améric Vespuce en la personne du subtil Quinquet, pharmacien du quartier des Halles, à Paris, qui lui vola son idée, en tira profit et gloire, tandis que mourait en 1803, dans un état voisin de la misère, le véritable inventeur.


Voyez-vous cette lampe où, muni d’un cristal, Brille un cercle de fer qu’anime l’air vital ? Tranquille avec éclat, ardente sans fumée, Argand la mit au jour et Quinquet l’a nommée.


Ce quatrain vengeur décrivait ainsi très exactement le nouvel appareil qui, en 1784, était apparu dans la salle de la Comédie-Française, aux yeux d’un public émerveillé de voir une lampe « éclairant à elle seule comme dix ou douze bougies réunies ! » L’absence de fumée pendant la combustion, qui excitait l’enthousiasme, était due à une connaissance plus parfaite des propriétés de la « flamme ». Lavoisier venait de consulter ce fait capital que les parties formant l’intérieur d’un cône lumineux ne servaient à rien, parce qu’elles n’éprouvaient pas l’action de l’oxygène atmosphérique, et que, seules, les parties extérieures, en contact avec l’air, servaient à l’éclairage. Afin de mettre la flamme, sur toute sa surface en communication intime avec l’air, Argand adopta une mèche circulaire, glissée entre deux tubes de métal et dont l’extrémité allumée baignait ainsi, au dedans comme au dehors, dans l’atmosphère ambiante. Pour activer le courant d’air, stimulant de la combustion, l’inventeur surmonta sa lampe d’un tuyau,