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mal closes, et, pour ne pas souffrir du froid, l’on devait rationner la clarté. L’usage des verres à vitre ne s’est généralisé que depuis trois cents ans ; au début du règne de Louis XV, dans bien des maisons de Paris, on vitrait encore en papier les fenêtres donnant sur les cours de service. Depuis que, avec les progrès du confort, les habitations modernes se sont laissé librement pénétrer par le soleil, la lumière artificielle dont les privilégiés d’autrefois se contentaient semblerait dérisoire aux plus déshérités d’aujourd’hui. Il n’est si modeste fermier actuel qui, avec sa lampe de pétrole, ne soit mieux éclairé que le châtelain d’il y a deux siècles ; au palais de Versailles, sous le grand roi, même aux jours de gala et de « grand couvert », la cire multipliée dans les lustres demeura bien loin de l’illumination que l’on obtient chaque soir, à petits frais, au Café du Commerce, dans le moindre chef-lieu d’arrondissement. Grâce à cette clarté partout répandue le long des voies publiques et à l’intérieur des maisons, l’homme des villes devient maître de se tailler, parmi les vingt-quatre heures, la journée qu’il lui plaît de vivre, en plaçant le soir au moment où il veut dormir. Pour lui l’on ne sait si midi doit s’appeler tard ou minuit de bonne heure ; il n’est plus esclave du soleil.

La révolution sur ce terrain est toute récente ; l’électricité a quinze ans, le pétrole vingt ans, le gaz cinquante, et de nouvelles sources de lumière ou de nouvelles manières d’employer les sources anciennes sont découvertes tous les trois ou quatre ans. Cette révolution a été si rapide que, dans le court espace d’un siècle, plusieurs inventions — dont une seule eût suffi jadis à renouveler pour une longue période l’industrie de l’éclairage — ont surgi, lutté, grandi, ont été proclamées éternelles… et sont mortes ou vont mourir, dédaignées, repoussées, vaincues par des inventions nouvelles. De ce nombre furent les lampes à huile, l’huile tirée du colza, et la bougie tirée de la stéarine, appareils ou produits qui avaient eux-mêmes, de 1790 à 1840, remplacé ceux d’autrefois : huiles trop coûteuses, lampes trop naïves.


II

La cire a, depuis longtemps, été battue par la stéarine ; les églises seules, où elle constitue une tradition, sinon une nécessité liturgique, la maintiennent sur leurs autels. Si l’entretien des parquets, le modelage, les pièces anatomiques ou les onguens de pharmacie n’exigeaient pas l’emploi de la cire, l’apiculture aurait renoncé à ses opérations bucoliques ; d’autant que le miel a perdu, par le bas prix du sucre et des glucoses, la plupart de ses usages,