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fait ; et ces Diasporas, comme on les appelle, essaims protestans lancés en terre catholique, essaims catholiques lancés en terre protestante, aggravent et corrigent, tout à la fois, le morcellement légué par l’ancien régime ; elles le corrigent en le rendant moins abrupt, en inclinant les barrières religieuses dont les principautés aimaient à s’enfermer ; elles l’aggravent, aussi, en exigeant chaque jour, en deçà de ces barrières, un nouveau sacrifice de l’homogénéité confessionnelle.

En nous aidant de ces observations comme d’une légende explicative, nous sommes en mesure, désormais, de lire une carte confessionnelle de l’empire allemand.


III

Prusse Rhénane et Westphalie, Bavière, Pologne, telles sont les trois régions éminemment catholiques de l’Empire. Le catholicisme rhénan doit être observé dans les meetings ; le catholicisme bavarois, dans les chapelles ; quant au catholicisme polonais, il offre je ne sais quoi de boudeur et d’archaïque qui, tout à la fois, impose la réserve et séduit la curiosité.

Volontiers on parle de la « catholique » Bavière, et l’épithète est méritée. Elle est, par excellence, l’asile des traditions pieuses ; et le clergé régulier, qui les entretient, est relativement plus nombreux en Bavière que dans toute autre partie de l’Allemagne. Longtemps encore, au-dessus la porte des masures rurales, s’ouvriront les bras d’une madone ou s’allongeront ceux d’une croix. A la cour, des cérémonies survivent, qui de partout ailleurs sont disparues. Une fois par an, dans la chapelle royale, le prince régent arme des chevaliers ; c’est à la fête de saint Georges. Debout devant l’autel, sévèrement serrés dans une tunique de soie blanche, les postulans écoutent un sermon, qui les éclaire sur leurs futures obligations. Elles sont doubles : tirer le glaive pour le Christ et l’Immaculée Conception, et se dévouer pour les pauvres et les malades. Entre les mains du prince régent, intermédiaire entre eux et Dieu, ils en prêtent le serment ; le prince, alors, leur donne l’accolade, les enrôle dans la milice de Saint-Georges, et préside à leur toilette, à la remise du casque, de l’épée, des éperons, du manteau bleu ciel au collet d’hermine, tandis qu’à l’autel la messe se poursuit et s’achève. On rêverait pour cette scène, comme théâtre, les arceaux d’une cathédrale, et comme témoins, des pauvres et des malades, fourmillant au fond des nefs : l’étroite chapelle, de style jésuite, semble plutôt faite pour des mariages morganatiques que pour des pompes de