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pas seulement à Home, mais ailleurs. Alors, elle a annoncé au monde étonné, et à ses agens en Égypte, qui, dit-on, ne l’ont pas été moins, qu’elle allait entreprendre une expédition sur Dongola, afin de dégager Kassala. Puis l’expédition a été remise à l’automne, parce qu’il était matériellement impossible de la faire plus tôt. En quoi, nous le demandons, tout cela a-t-il servi l’Italie ? Celle-ci a pris le seul parti qui fût vraiment sage, à savoir de se tirer d’affaire à elle toute seule, et c’est ce qu’elle a fait avec beaucoup d’esprit politique, un grand courage militaire et un courage moral plus méritoire encore. M. di Rudini a montré dans cette crise difficile, délicate, douloureuse, des qualités de premier ordre, qui lui ont mérité l’estime de tous les connaisseurs : mais, encore une fois, ses alliés n’ont pu que le regarder faire. La vérité est que la triple alliance ne sert à rien à l’Italie et que, dans la plupart des cas, elle ne pourra jamais lui servir à rien. Elle lui servirait sans doute en cas de guerre contre la France ; mais, cette guerre, ce n’est certainement pas la France qui aurait jamais la pensée fratricide de la déclarer. C’est pourtant la seule circonstance où l’alliance de l’Allemagne pourrait être utile à nos voisins d’outre-monts, circonstance peu vraisemblable, mais qu’ils ne regardent pas comme impossible puisqu’ils y subordonnent ou même y sacrifient tant d’intérêts presque sacrés. Et voilà pourquoi leur entrée dans la triple alliance ne nous a jamais paru dériver d’un sentiment amical à notre égard. Nous regrettons de voir, non pas tous les Italiens à coup sûr, mais le plus grand nombre d’entre eux persévérer dans ces erremens. M. Imbriani fait exception ; nous ne pouvons qu’en être touché ; par malheur, ses opinions avancées l’empêchent d’avoir sur ses col lègues toute l’influence désirable. Dans cette question de la triple alliance, M. di Rudini aura le dernier mot. Il l’aura du moins pour la génération politique actuelle ; mais qu’en pensera celle de demain ?


Depuis le commencement du mois de mai, la Hongrie est en fête : elle célèbre le millénaire de son existence. Il y a mille ans qu’Arpad, à la tête d’une bande de Huns et de Mogols, est venu s’établir sur les bords du Danube, et y a jeté le premier germe d’où devait sortir un siècle plus tard, sous l’inspiration de saint Etienne le royaume et l’État hongrois. C’est une date importante. Les Magyars ont de tout temps excité et ils excitent encore les sentimens les plus divers ; mais on ne peut pas leur refuser un patriotisme indomptable, un esprit politique merveilleusement aiguisé, une surprenante facilité d’adaptation aux idées occidentales, enfin un ensemble de qualités qui, mêlées à quelques défauts, ont fait d’eux une des nations les plus intéressantes de toute l’Europe. On reste étonné qu’étant aussi peu nombreux qu’ils le sont, proportionnellement aux masses slaves et allemandes dont ils sont entourés, ils aient pu, sans jamais se laisser absorber, sans rien perdre