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comme le font tous les pays qui ne veulent pas rester isolés. » Si la France a cherché un point d’appui, c’est qu’elle en avait strictement besoin pour contre-balancer la triple alliance dont l’Italie faisait partie ; et cela n’explique pas du tout pourquoi l’Italie, que personne ne menaçait, qui, soit par sa situation politique, soit par la précision géographique de ses frontières n’avait rien à craindre d’aucune puissance au monde, et qui pouvait enfin se livrer en toute sécurité à son développement économique, a jugé à propos d’entrer dans une grande alliance militaire. On voit bien ce que cela lui a coûté ; quoi qu’en dise M. di Rudini, on ne voit pas ce que cela lui a rapporté. M. di Rudini, qui aime décidément les comparaisons mais qui ferme un peu volontairement les yeux à ce qui les empêche d’être tout à fait exactes, affirme que rien n’est plus facile à l’Italie que d’avoir de bons rapports avec la Russie et avec la France, puisque la Russie en a d’excellens avec l’Allemagne et la France avec l’Autriche. Il nous permettra de dire que ces situations très diverses n’ont entre elles aucune similitude ; mais nous aimons mieux lui accorder tout de suite que l’Italie peut avoir de bons rapports avec la France, et la preuve en est qu’elle les a. Seulement ces rapports pourraient être encore meilleurs, et nous regrettons qu’ils ne le soient pas. Nous avons aussi de très bons rapports avec l’Allemagne.

M. di Rudini a parlé de l’Angleterre. « Je suis heureux, a-t-il dit, que les rapports amicaux avec l’Angleterre complètent le système de la triple alliance. L’amitié de l’Angleterre est nécessaire à l’Italie pour la défense de ses intérêts dans la Méditerranée. » Mais qui donc menace les intérêts italiens dans la Méditerranée ? Le grand tort de l’Italie est de se chercher toujours des alliés contre des ennemis imaginaires, ce qui complique bien inutilement pour elle les difficultés et les embarras de la vie internationale. Il lui aurait été si facile d’être également bien avec tout le monde ! Cela n’aurait-il pas mieux valu pour elle que de prendre parti pour ceux-ci et contre ceux-là ? Les grandes alliances coûtent toujours cher lorsqu’elles ne rapportent pas beaucoup, et ici encore nous n’apercevons pas ce que l’amitié de l’Angleterre a rapporté à l’Italie. L’Angleterre a encouragé autrefois l’Italie à s’emparer de Massaouah et de l’Erythrée : est-ce bien un service qu’elle lui a rendu ? L’Italie a éprouvé d’abord de longues difficultés, des pertes d’hommes et d’argent, et finalement les cruels échecs que l’on sait. Il semble bien qu’elle ait alors un peu perdu la tête, et qu’elle ait fait appel à ses alliés, à ses amis, pour la tirer d’un aussi mauvais pas. Que pouvaient-ils pour elle ? Rien du tout. A supposer, et nous le supposons, qu’ils aient eu à son égard la meilleure volonté du monde, cette volonté était impuissante. L’Angleterre seule était peut-être en situation, non pas de faire, mais d’avoir l’air de faire quelque chose, et il n’est pas impossible qu’on l’en ait sollicitée, non