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majorité des suffrages ; que, dans les jours qui suivirent le conclave, les cardinaux, même les plus hostiles par la suite, firent tous acte d’hommage au nouveau pontife ; enfin qu’ils ne pensèrent à créer un autre pape que lorsque les caprices et les violences du premier élu leur eurent fait chercher, dans les circonstances irrégulières de son élection, un prétexte à se débarrasser de lui. A qui veut connaître la crise la plus grave traversée par la papauté, il est donc indispensable d’étudier minutieusement ces circonstances ; grâce à l’attachant récit de M. Valois, une pareille tâche est désormais facile.


I

« Romain nous le voulons, ou au moins Italien ! » tel était le cri que, durant la semaine qui suivit la mort de Grégoire XI, les cardinaux présens à Rome ne cessaient d’entendre répéter partout : dans leurs réunions quotidiennes autour du cercueil du pape défunt, par les officiers municipaux qui venaient en corps apporter les vœux des Romains ; dans les églises, par les paroissiens qui exprimaient plus ou moins impérieusement leurs désirs ; chez eux enfin, par les délégués qui se présentaient au nom du peuple. Dans les rues, c’était encore le même cri, mais accompagné cette fois de menaces peu équivoques. « S’il ne l’est pas, par la sang-Dieu ! tous ces Français et ultramontains seront mis en pièces, et les cardinaux les premiers ! » L’impatience populaire était telle qu’elle n’avait même pas attendu, pour se manifester, que Grégoire XI eût rendu le dernier soupir ; elle ne cessa de grandir pendant les neuf journées qui précédèrent l’élection pontificale. Voulant être seul maître du sacré-collège, le peuple s’était fait donner la garde du conclave, et usant de l’étrange privilège suivant lequel les nobles voyaient leur séjour subordonné à son bon plaisir, il leur signifia d’avoir à s’éloigner sous trois jours, pendant qu’il laissait entrer des troupes de contadini qui venaient lui prêter main-forte à grand bruit de trompettes et de tambourins ; enfin, craignant que les cardinaux n’échappassent à son influence en allant procéder au scrutin hors de Rome, il avait fait garder les portes et saisir les voiles et les gouvernails de tous les bateaux du Tibre.

Devant ces préparatifs menaçans, les prélats, les gens appartenant à la cour pontificale se hâtaient de mettre en sûreté leurs personnes ou tout au moins leurs biens ; cependant la plupart des cardinaux ne paraissent pas s’être effrayés outre mesure. Ils demandèrent vainement le renvoi des paysans, ils obtinrent la