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nombreuses traductions d’auteurs français : Zola, Dumas père et… Paul de Kock ! Il y a des magasins de toute sorte, où l’on peut tout se procurer, si on ne lésine pas sur la dépense. Ce dont on ne saurait se défendre après avoir vu de pareilles œuvres, c’est un sentiment de profonde admiration pour les facultés organisatrices et la ténacité de la race qui les a accomplies.

Coolgardie est fort calme pour une ville de chercheurs d’or ; elle est déjà un peu rassise, il est vrai, et ses habitans vous parlent quelquefois des « premiers temps » de cette ville de trois ans, comme d’une chose passée. Mais les camps miniers actuels en Australie, comme en Amérique, n’ont plus des mœurs aussi violentes que ceux d’autrefois, s’il faut en croire les récits, non seulement des livres, mais des vieux chercheurs d’or. Il y a ici des hommes qui ont été, presque enfans, au grand rush de 1851 aux placers de Victoria, puis ont suivi toutes les grandes découvertes de métaux précieux, à la Nouvelle-Zélande, au Queensland, aux grandes mines d’argent de Broken Hill, en Nouvelle-Galles du Sud en 1885 ; ils sont enfin arrivés ici : les uns n’ont jamais été heureux dans leurs recherches, d’autres ont fait plusieurs fois fortune et l’ont perdue au jeu, mais à 60 ans, ils ont encore le même enthousiasme et organisent des prospecting-parties, des parties de prospecteurs où ils guident les jeunes gens de leur expérience du terrain, des quelques connaissances géologiques sommaires qu’ils ont fini par acquérir. C’est pourtant un rude métier que de chercher de l’or dans ces déserts sans eau de l’Australie de l’ouest et plus d’un prospecteur n’est jamais revenu.

A peine a-t-on appris, par les affiches manuscrites apposées aux bureaux des journaux, ou par un simple bruit rapporté dans un bar, qu’une pépite a été trouvée, en un point éloigné de plusieurs dizaines de lieues, dont on connaît à peine remplacement exact, que des centaines de personnes s’y précipitent : l’un des plus anciens et le plus récent des moyens de transport au service de l’humanité, le chameau et la bicyclette, concourent pour y porter les chercheurs d’or. La vélocipédie est en effet en grand honneur à Coolgardie : le terrain, uni, assez dur en dehors des routes défoncées par les charrois, de l’Australie de l’ouest s’y prête parfaitement : trois compagnies rivales se sont organisées et ont des départs de cyclistes à heure fixe pour le port des lettres aux divers centres miniers secondaires, faisant ainsi concurrence à la poste gouvernementale ; d’autres hommes sont toujours prêts à enfourcher leur machine pour porter une dépêche urgente et les journaux ont aussi leurs vélocipédistes qu’ils envoient aux