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s’appliquait qu’aux terres propres à la culture. Les terres plus éloignées des centres de colonisation et les steppes de l’intérieur furent d’abord concédées, puis louées, moyennant une redevance annuelle, à de grands propriétaires dont les troupeaux comptaient déjà en 1850, sous l’influence des conditions favorables de sol et de climat, 17 millions de moutons et 2 millions de têtes de gros bétail.

En 1851 la découverte d’immenses gisemens d’or, d’abord en Nouvelle-Galles du Sud, puis en Victoria, vint changer complètement le caractère de la société australienne, jusqu’alors agricole et pastorale, soumise à l’influence prépondérante des grands propriétaires ou squatters. Elle rejeta dans l’ombre les anciennes ressources du pays et y attira une foule énorme d’immigrans tout différens des cultivateurs qui s’y étaient dirigés jusqu’alors.

Les anciens colons eux-mêmes abandonnèrent souvent leurs terres pour se faire chercheurs d’or : l’Australie du Sud, qui n’avait point de placers, se dépeupla au profit de sa voisine Victoria, dont les mines produisaient 275 millions de francs d’or dès l’année qui suivit leur découverte, en 1852 ; et 310 millions en 1853. La population de cette colonie, la veille encore district secondaire de la Nouvelle-Galles du Sud, quadrupla en cinq ans, dépassant aussitôt la « colonie mère », et Melbourne, qui, en 1851, n’avait que 23 000 habitans, passa en dix ans à 140 000, laissant bien loin derrière elle l’ancienne capitale, Sydney, qui s’accroissait pourtant aussi avec rapidité. La fièvre de l’or se produisit sur une moindre échelle dans le Queensland et la Nouvelle-Zélande en 1858, puis de nouveau dans la première de ces colonies en 1885. C’est de la découverte des métaux précieux que date la formation, dans chaque province australienne, d’une grande agglomération urbaine où se centralise toute la vie de la colonie. Même les régions qui ne furent pas atteintes directement par l’influence des découvertes de métaux précieux subirent cette transformation par contagion. C’est ainsi que l’Australie du Sud a sa grande ville dans Adélaïde, comme Victoria dans Melbourne, comme la Nouvelle-Galles du Sud dans Sydney et le Queensland dans Brisbane. La superbe façade que ces luxueuses cités constituent à l’Australie, n’est pas sans cacher plus d’une misère ; elle n’en frappe pas moins d’étonnement et d’admiration tous ceux qui l’aperçoivent.

De toutes ces grandes capitales, Melbourne est celle qui caractérise le mieux l’Australie, telle que l’ont faite les mines d’or. C’est une ville-champignon, une mushroom city, comme on peut