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souvent le choc de forces anglaises très supérieures. L’affaire du pa de la Grille, en 1864, est une des plus typiques de cette guerre. Le général Cameron avec 1 700 Anglais s’y heurta à 200 Maoris et égara d’abord son feu sur un retranchement ébauché et surmonté d’un pavillon, à 100 mètres sur le côté de la forteresse. Quand il eut enfin découvert la ruse et fait brèche avec son canon, le feu des défenseurs cessa, comme s’ils décampaient, pour ne reprendre que lorsque les assaillans furent presque à bout portant. Entrées pourtant dans le fort, mais fusillées au milieu des retranchemens intérieurs, les troupes anglaises furent prises de panique et s’enfuirent en laissant plus de cent des leurs sur le terrain. Les Maoris s’esquivèrent pendant la nuit par petits groupes, et les Anglais trouvèrent le lendemain, parmi de nombreux morts, un soldat blessé, encore vivant, près de qui était une écuelle pleine d’eau que les Maoris avaient dû chercher en traversant deux fois les lignes ennemies.

La guerre, presque ininterrompue de 1860 à 1870, avait eu pour cause la décision prise par un gouverneur de traiter pour l’achat des terres avec les occupans de fait sans tenir compte des droits des tribus. L’établissement, dès 1865, d’une cour spéciale pour déterminer ces droits conformément aux coutumes indigènes contribua beaucoup à la pacification. Pourtant il y eut encore, même après 1870, quelques troubles sérieux, occasionnés par la secte religieuse des Hauhaus, qui prétendait combiner le christianisme et l’ancien paganisme ; en 1881 on dut envoyer 2 000 hommes pour arrêter un prophète, Te Whiti. Enfin en 1883, le roi Tewhiao, reconnu pour chef par presque toutes les tribus de l’île du Nord, se réconcilia avec le gouvernement, et des ingénieurs purent traverser le district sauvage et jusqu’alors dangereux du « Pays du roi » pour y étudier un tracé de chemin de fer. Aujourd’hui, la sécurité est complète dans la Nouvelle-Zélande, dont les districts les plus reculés sont parcourus par des services de voitures publiques ; il ne s’y trouve même plus de troupes anglaises.

Devant l’énorme majorité de la population européenne toute tentative de révolte serait vaine, et les indigènes le savent. Dès 1863, il y avait en Nouvelle-Zélande 160 000 blancs contre 50 000 à 60 000 Maoris, et même dans l’île du Nord, les premiers l’emportaient en nombre. Depuis, les Européens sont devenus beaucoup plus nombreux, les indigènes ont décru. De 100 000 qu’ils étaient sans doute au commencement du siècle, il n’en reste plus aujourd’hui que 42 000. Leur ardeur à s’entre-détruire, les maladies, le changement d’habitudes ont provoqué cette diminution,