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inconséquence et faiblesse ; ont-elles jamais su gagner la confiance de leur père ni l’affection de personne ? incapables de se diriger elles-mêmes, comment pourraient-elles guider autrui ? elles sont versatiles autant que mal inspirées ; n’a-t-on pas vu Madame Adélaïde, après avoir détesté sans mesure Mme de Pompadour, se jeter ensuite dans ses bras et recevoir un confesseur de son choix ? N’en fera-t-elle pas autant avec Mme du Barry, laissant la Dauphine seule aux prises avec les haines soulevées ensemble ? Ne met-elle pas déjà la princesse sur la brèche, à tout propos, et non sans ménager en sous-main les gens de la favorite ? »

Il n’arrive de Vienne qu’une répétition de ces propos. Le prince de Kaunitz n’a pas dédaigné, entre deux négociations avec la Prusse sur les affaires de Pologne, de rédiger toute une consultation sur le cas de Mme du Barry, la façon de considérer « ces sortes de personnes », et la pernicieuse influence que subit la chère archiduchesse. Les lettres de Marie-Thérèse sont pleines de Mesdames. Elle admirait autrefois leurs vertus et leurs talens ; le ton a maintenant bien changé : « Vous n’agissez que par vos tantes. Je les estime, je les aime, mais elles n’ont jamais su se faire aimer ni estimer, ni de leur famille, ni du public, et vous voulez prendre le même chemin ! » « Le chapitre de vos tantes est cause de tous vos faux pas… À force de bonté et coutume de se laisser gouverner par quelques-uns, elles se sont rendues odieuses, désagréables et ennuyées pour elles-mêmes, et l’objet des cabales et tracasseries… Est-ce que mes conseils, ma tendresse méritent moins de retour que la leur ? Je l’avoue, cette réflexion me perce le cœur. »

Marie-Antoinette élude d’abord ces attaques émues, puis, quand il faut enfin répondre : « Quand je vous ai écrit, dit-elle, ma chère maman, que je ne prenais pas d’avis pour l’honnêteté, je voulais dire que je n’avais pas consulté mes tantes. Quelque amitié que j’aie pour elles, je n’en ferai jamais de comparaison avec ma tendre et respectable mère. Je ne crois pas m’aveugler sur leurs défauts, mais je crois qu’on vous les exagère beaucoup. » Ainsi ce jeune cœur reconnaissant défend de son mieux les vieilles filles égoïstes pour l’accueil qu’il a reçu d’elles et qui a réchauffé un peu son premier isolement.

Ce sont Mesdames encore que poursuit, chez Mme du Barry, ce Mercy dont Marie-Antoinette ne soupçonne pas les médisances adressées à Vienne. Ce sont toujours les tantes qu’il charge, au bénéfice de sa princesse, dans les causeries répétées qu’il obtient de la favorite : il fait croire à celle-ci que la Dauphine n’a pour elle ni penchant ni haine, et ne lui donnerait jamais lieu de se plaindre,