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qui ont été volées de leur héritage par ce schisme anglican duquel elles se sont légitimement séparées à leur tour, et qui, malgré les préjugés de l’éducation, apportent souvent plus de sincérité, de candeur et de générosité dans la controverse que les membres de l’Eglise. Dans ces paroles, il y avait tout un programme d’action, bien fait pour scandaliser les anglicans. Manning leur donna un nouveau grief par son attitude dans la grave question de la fréquentation des Universités d’Oxford et de Cambridge par la jeunesse catholique. La suppression du caractère confessionnel de ces établissemens, — la laïcisation pour employer le terme technique, — semblait autoriser les pères de famille catholiques à ne pas priver plus longtemps leurs enfans du double privilège de la haute éducation intellectuelle et de la participation à cette vie universitaire qui est le meilleur apprentissage de la vie du monde. Newman n’avait cessé d’avoir une sorte de mal du pays de ces lieux où il avait vécu ses plus beaux jours et régné en souverain absolu. Depuis l’échec du projet de fondation d’une Université catholique à Dublin, il vivait retiré à l’oratoire d’Edgbaston, voué à la direction d’une école secondaire. Il avait été question de le replacer à Oxford à la tête d’une maison de sa communauté, pour y exercer, sur le théâtre de son ancienne gloire, une activité missionnaire. Il avait même acquis un terrain à cet effet. Le projet grandit peu à peu. On rêva l’établissement d’un collège catholique affilié à l’Université ; Newman, frémissant d’une ardeur bien naturelle, oublia que lui-même, à Dublin, en 1851, il avait fait interdire à la jeunesse catholique le séjour des Universités protestantes. Les adversaires de la co-éducation s’émurent. Ils firent condamner à Rome la fréquentation des Universités protestantes et, bien plus sévèrement encore, celle des Universités laïcisées, par les jeunes gens catholiques. Manning avait beaucoup travaillé à obtenir cet arrêt. Frappé des graves inconvéniens du plan de Newman, mais peu au courant des difficultés pratiques d’une telle entreprise, il rêvait déjà la création de cette Université catholique qu’il devait fonder à Kensington sous la direction de Mgr Capel, qui devait lui causer tant de tracas, lui coûter si cher — moralement et pécuniairement — et aboutira un si piteux échec. Pour le moment, cette défense, à laquelle Manning avait ou tant de part, fut très sensible à Newman. De là date le refroidissement permanent des relations de ces deux hommes, cette brouille fameuse sur laquelle il importe d’autant plus de s’expliquer nettement que les perfides insinuations de M. Purcell en ont davantage dénaturé l’histoire, au détriment de Manning.

Déjà depuis des années les deux grands convertis étaient constamment mis en opposition l’un avec l’autre. Sous une analogie