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à l’agitation anglo-catholique à ses débuts. Il fut toujours beaucoup moins un homme de cabinet, un théoricien, un théologien ou un auteur qu’un homme d’action et d’autorité. Le diocèse de Chichester, tout rural, dans lequel il exerça pendant dix-huit ans ses fonctions paroissiales sous quatre évêques, dont un seul ressentit quelque sympathie pour les idées nouvelles, n’était pas Oxford.

Toutefois Planning n’avait pas tardé, par l’intermédiaire d’amis communs, à se mettre en relations avec Newman. Les principes de la nouvelle école faisaient appel à tout un côté de sa nature. Bientôt détaché du parti évangélique, il s’enrôla dans le parti anglo-catholique. Le premier sermon qu’il publia en fut la proclamation officielle. Il y traitait de la règle de foi ; et ses affirmations fondamentales, ses développemens, surtout les notes dont il l’enrichit portaient la marque de la nouvelle doctrine et la trace du fait qu’il avait soumis les épreuves de son travail à Newman. Les évangéliques s’émurent. Leur organe, le Record, — un Univers protestant, moins le talent, — infligea une réprimande sévère à ce « nouveau loup en habit de berger. » L’évêque de Chester lança une diatribe contre lui. Manning avait pris rang parmi les Tractariens.

Toutes ses amitiés le portaient de ce côté. Après Hubert Wilberforce, le plus intime peut-être de ses amis, qui pensait tout à fait comme lui et Henry Wilberforce, son beau-frère, il n’avait guère de liaison plus étroite qu’avec M. Gladstone, alors jeune membre de la Chambre des communes, l’espoir du jeune torysme intransigeant, comme l’appelait Macaulay dans un article sur le grand ouvrage qu’il venait de publier sur l’Union de l’Église et de l’Etat. Dans un voyage à Rome, en 1838, — la première des innombrables visites que Manning fit à la Ville éternelle, — il eut pour compagnon le jeune homme d’Etat. Ensemble ils allèrent voir le docteur Wiseman, qui ne se doutait guère qu’il avait sous les yeux, en la personne de cet ecclésiastique anglican, son successeur sur le trône archiépiscopal, non encore restauré, de Westminster. Ensemble ils fréquentèrent les églises et entendirent un Père de l’ordre des Frères Prêcheurs dont le sermon, populaire et dogmatique tout à la fois, émut à jalousie pour l’anglicanisme M. Gladstone. Ensemble ils se promenaient un beau dimanche sur la Piazza de Fiore quand le recteur de Lavington, plus strict sur ce point comme anglican que plus tard le cardinal de la Sainte Eglise, reprit sévèrement M. Gladstone pour la faute grave d’avoir acheté des pommes le jour du sabbat.

De retour dans sa paroisse, Manning, en dépit de l’avènement